
Villiers-le-Bel : des parents tentent de stopper les violences

Le 26 juin 2010, Maxim Lawson, « jeune sans histoire », était assassiné dans le quartier des Carreaux à Villiers-le-Bel. Trois jours après, des mères beauvillésoises indignées montent le Collectif du 29 juin pour « enrayer toutes les formes de violence ».
« Nous avons choisi de rompre le silence après les tirs perpétrés dans deux quartiers de Villiers-le-Bel, entrainant mort, et blessures de jeunes beauvillésois. Nous ne nous substituerons ni à la police, ni à la justice, elles font leur travail… ». Tels sont les premiers mots du texte fondateur du Collectif du 29 juin. En ce jour, Villiers-le-Bel s’est trouvé des sentinelles bienveillantes scrutant la cité, soutenant les familles endeuillées, soucieuses de rétablir une solidarité aussi bien intergénérationnelle qu’entre tous les quartiers de la ville.
Pour trouver l’assassin, la justice avait besoin de temps. Nous n’en avions pas.
« Reconstruire avec des gens »
Le Collectif du 29 juin est né de la volonté de trois femmes. Trois mères, ou plutôt grand-mères, également présidentes d’association. Ces drôles de dames répondent aux noms d’Agnès Desfosses (association ACTA-Théâtre), Oulematou Bagayoko (Parents à l’unisson) et Solange Cabit (Dialogue de femmes). Pour cette dernière, dans les jours qui ont suivi le drame, le problème était le suivant : « Il fallait soutenir la mère de Maxim et l’aider à reconstruire avec des gens. » Des Beauvillésois qui ont répondu présent lors de la Marche citoyenne organisée le 9 octobre 2010. Après la création du collectif, les choses se sont enchainées assez vite, Solange l’avoue bien volontiers : « Il y avait des trucs qu’on ne maîtrisait pas. » Malgré tout, la nécessité d’aider la mère de la victime et d’apaiser les tensions a poussé le collectif à bousculer l’appareil judiciaire : « Pour trouver l’assassin, la justice avait besoin de temps. Nous n’en avions pas. J’ai dû pousser des portes que je ne pensais jamais pousser », se remémore Solange.
Rencontres publiques qui ont servi d’exutoire…
Mobiliser !
Rassembler, réunir derrière une cause commune tel est le crédo : « Voilà plus de sept ans que je suis présidente d’association, indique Solange. Je sais qu’il est important de rassembler les autres. Quand nous organisons des manifestations, tout le monde est convié, toutes les associations ! ». Madame Cabit sait toutefois que les rassemblements entraînent souvent des débordements et prévient : « Il faut arriver à mobiliser, tout en se rappelant qu’avec la violence on n’arrive à rien ». Pour éviter cet écueil, le collectif beauvillésois s’est évertué à créer des espaces de discussion entre la population et les différentes institutions : « Nous avons organisé des rencontres publiques avec la RATP, la Police, les pompiers, les médias… La seule institution qui ne nous a jamais répondu est la Justice mais on ne lâche pas ! Pour le reste, tout s’est toujours très bien passé, les habitants ont eu l’occasion de crier leur souffrance.» Renouer le dialogue lors de rencontres publiques qui ont servi d’exutoire… le Collectif du 29 juin a largement contribué à ce que la situation ne dégénère pas après le drame. « Maxim, c’est le socle de l’association ! Chaque année nous lui rendons hommage, on a trop souffert. »
Nous nous battons contre toute forme de violence, même institutionnelle.
« Indépendants même si ça ne plait pas ! »
Depuis cette histoire, des institutions et des professionnels ont rejoint le collectif, soutenu même par la mairie, mais Solange Cabit se défend de toute récupération politique : « Nous sommes neutres. Nous ne faisons pas de politique. Nous sommes indépendants même si ça ne plait pas ! En Juin dernier, le maire n’était pas d’accord pour que l’on rende hommage à Maxim, à cause de la mise en examen du jeune de l’accident de scooter le même jour [suite à la collision entre un scooter et une voiture de la BAC le 9 juin 2012 à Villiers-le-Bel, ndlr] ». L’hommage a quand même eu lieu. « Nous nous battons contre toute forme de violence, même institutionnelle, insiste Solange. Quand les policiers contrôlent les jeunes cinquante fois dans la journée, c’est la violence. Quand on ne peut jamais s’asseoir dans les bus, c’est aussi une forme de violence… ».
« Ils nous ont promis des choses »
L’autre lutte du collectif du 29 juin concerne les transports en commun, particulièrement les lignes de bus 268 et 270. Ce problème concerne aussi bien les usagers, que les chauffeurs qui doivent parfois faire face à des situations inextricables, quand elles ne sont pas dangereuses. Depuis plus d’un an, les membres du collectif y travaillent : « Nous avons été reçu par le STIF, nous avons pu exposer nos doléances. Malheureusement, ils nous ont promis des choses qu’ils n’ont pas respectées. Ils avaient promis plus de bus, mais le constat est qu’ils sont toujours aussi bondés. Quand nous le leur faisons remarquer, ils nous répondent que les jeunes ne compostent pas leur billet. » Une lutte qui s’annonce donc encore longue, mais Solange Cabit ne désespère pas.
Malgré tout, cette dernière garde une attitude positive et défend l’image de sa ville : « C’est vrai qu’il y a pas mal de violence mais il ne faut pas tout mélanger. Mes enfants ont été élevés à Villiers-le-Bel et elles s’en sortent bien dans la vie. Ici, on veut juste vivre tranquille. On a de la verdure, on a tout pour être heureux. » Ou presque ! Avec quelques bus en plus, ce serait encore mieux…
Charly Célinain