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La Méditerranée comme vous ne l'avez jamais vue !
Lancé en grande pompe, le 12 octobre dernier, le site Med Mem (Mediterranean Memory) : (http://www.medmem.eu/) propose 4000 archives émanant des médias du pourtour méditerranéen. Largement porté par l'INA, le site espère sensibiliser les jeunes à l'Histoire de la Méditerranée.
Le nouveau site lancé par l'Institut national d'audiovisuel, le 12 octobre dernier à Marseille, propose de plonger dans les archives méconnues des médias audiovisuels méditerranéens. Réunissant 20 partenaires dont 14 télévisions du pourtour méditerranéen (EPTV pour l'Algérie, SNRT pour le Maroc ou la Raï pour l'Italie), Med Mem propose un catalogue de 4000 archives, pour la plupart inédites. Financé à hauteur de 68% de la Commission européenne, dans le cadre du projet Euromed Heritage IV, Med Mem a ainsi poussé les principales chaînes de télévision associées aux projets, d'acquérir une station de numérisation, appareil onéreux s’il en est. L'Egypte s'est équipée, sur ses propres deniers, d'une station. Selon les membres de la Bibliothèque d'Alexandrie, associée au projet, "nos équipes ont acquis un véritable savoir-faire en matière de numérisation. Nous avons ainsi pu numériser le fonds du Canal de Suez, regroupant des films muets."
Med Mem porte un enjeu de vivre-ensemble à l'heure où l'espace euro-méditerranée vit une période tourmentée.
Plongée dans la Méditerranée inconnue
Ce nouveau site recèle donc des perles rares. Parmi elles, la visite de Che Guevara à Alger en 1963 s'exprimant en français. "Cette archive m'a surprise. Ce qui n'est pas le cas des historiens qui savaient que Che Guevara parlait français", explique Mireille Maurice, déléguée régionale de l'INA et pilote du projet. Et d'ajouter, "l'intérêt de Med Mem est de montrer des archives jusque là inédites en France mais déjà visualisées en Croatie ou en Europe de l'Est." Pour Mathieu Gallet, président-directeur général de l'INA, "Med Mem porte un enjeu de vivre-ensemble en renforçant la compréhension de l'Histoire commune", souligne-t-il. Un outil nécessaire à l'heure où "l'espace euro-méditerranée vit une période tourmentée." Plus qu'un site d'archives Med Mem illustre l'importance de la collaboration multilatérale entre l'Union européenne, la Copéam (1), l'INA et une palette de médias d'Europe du sud et d'Afrique du Nord. A quoi s'ajoute une assise scientifique solide.
Ces archives doivent être mises à la disposition des jeunes générations pour leur permettre de cultiver leur mémoire.
Un outil scientifique
La Maison méditerranéenne des Sciences de l'Homme, basée à Aix-en-Provence est, en effet, partie prenante du projet. Pour accompagner les images, des fiches élaborés par des historiens, des géographes ou des sociologues. Parmi eux, Karima Dirèche, historienne spécialiste de l'Algérie post-coloniale. "En tant que chercheur, j'ai relu les documents pour donner du sens. Il s'agit d'interpréter, de croiser les documents et de contextualiser", indique-t-elle. Des notices permettant de doter ces archives d'une crédibilité scientifique, préalable à tout support pédagogique. Car, selon Mireille Maurice, "Med Mem s'adresse aux jeunes publics." Cible assumée des concepteurs du site, les jeunes générations sont invitées à se balader dans ce passé dont beaucoup sont issus. Un constat auquel souscrit Leïla Haoues, directrice des archives à la télévision publique algérienne : "Ces archives doivent être mises à la disposition des jeunes générations pour leur permettre de cultiver leur mémoire", avance t-elle.
Il est cependant nécessaire de confronter la vidéo avec d’autres documents et de questionner la construction du discours.
Med Mem, nouvel outil scolaire?
Sophie Gebeil, professeur d'Histoire-Géo, a saisi tout l'intérêt de Med Mem : aux côtés d'Edwige Breuils, enseignante au collège Honoré Daumier, à Martigues (Bouches-du-Rhône), elle monte un projet autour d'archives issues de Med Mem. "L'objectif du projet était de comprendre pourquoi des Marocains émigraient vers l'Europe", explique-t-elle. Med Mem va, alors, apporter des clés de compréhension. "Nous avons projeté la première vidéo, « L’illusion de la traversée (2) » Une étape qui permettra à ces jeunes de coucher sur le papier leur vision de cette émigration dangereuse et souvent synonyme de noyades. De l'aveu même de la jeune professeur, "les élèves ont mieux compris l'impact de ce phénomène." Dans une seconde vidéo, « L'Europe à tout prix » (3), "nous avons réitéré ce travail avec une phase de visionage et ensuite une phase d'écriture."
Si les élèves ont manifesté un grand intérêt face à cette démarche, la jeune professeur émet cependant un bémol. "Au-delà de cette attractivité, il est cependant nécessaire de confronter la vidéo avec d’autres documents et de questionner la construction du discours mis en scène pour sortir de l’effet de réel." Une éducation à l'image nécessaire, semble-t-il, pour parer à toute manipulation de l'information. Med Mem, site tourné vers le passé, devrait donc ouvrir des perspectives tant le sujet reste d'actualité !
Nadia Henni-Moulaï
(1) Conférence permanente de l'audiovisuel méditerranéen
(2) archive 2M, télévision marocaine, Med Mem, 2007
(3) archive INA, Med Mem, 1997