"S'engager pour les quartiers"…les fondations peuvent-elles aider les quartiers ?

Le 27 septembre dernier se clôturait l'appel à candidature du concours "S'engager pour les quartiers". Conçu par la Fondation Agir Contre l'Exclusion (Face) et l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), cette deuxième édition récompensera les porteurs de projet tournés vers les quartiers populaires. Un air de déjà vu?

 
Objectif du concours ? Récompenser les projets portés par les associations, les collectivités ou même les entreprises, à l'exception des grands comptes, pourvu qu'elles soient installées dans un quartier prioritaire de la politique de la ville en cours de rénovation. "Notre ambition est de valoriser toutes les expériences remarquables dans les quartiers populaires", déclare Vincent Baholet, délégué général de la Fondation Face. 
 

Les entrepreneurs des quartiers dans les petits papiers des décideurs?

Depuis une dizaine d'années, maintenant, l'entrepreneuriat made in banlieue intéresse au plus haut point. Le concours Talents des cités, qui récompense des porteurs de projets  issus des zones urbaines sensibles, jouit depuis son lancement en 2002, d'une véritable crédibilité. Parmi les partenaires, de grandes institutions dont le Sénat et la Caisse des dépôts, mais aussi des entreprises du CAC 40. Société Générale ou GDF Suez figurent dans la liste des 18 partenaires. Depuis, l'initiative a fait des émules. Et le concours lancé par la fondation Face, reconnue d'utilité publique, s'inscrit dans la veine de ces opérations dédiées aux quartiers populaires. Avec une dotation globale de 50000 euros, le concours s'est visiblement donné les moyens de ses ambitions, à savoir accompagner le dynamisme économique des quartiers populaires. Les gagnants du Grand Prix et des quatre prix nationaux toucheront 10000 euros chacun. "Une somme vraiment utile pour lancer une activité", relève Vincent Baholet. "Le créateur peut commencer à modéliser son projet ou son plan de développement", poursuit-il. 
 

Mutualiser les compétences

Autre intérêt du concours, la possibilité pour les gagnants de s'appuyer sur le réseau de la Fondation. "Nous bénéficions d'un vrai maillage territorial. Face, c'est 38 clubs d'entrepreneurs, 4000 entreprises", remarque le délégué général. Rappelons que la Fondation existe depuis 20 ans. Un savoir-faire que les organisateurs souhaitent mettre à la disposition des associations récompensées à travers ce concours. "Nos adhérents essaient au maximum de professionnaliser le travail mené par les associations de quartier", avance-t-il. Et le délégué général de constater : "beaucoup d'associations ont des idées époustouflantes mais le manque de professionnalisme les empêche de concrétiser leur action. Nous intervenons, alors, pour leur permettre d'aller jusqu'au bout."
Alors quand on lui parle, à propos de "S'engager pour les quartiers" comme d'une opération marketing, Vincent Baholet défend sa démarche becs et ongles. "Je réfute l'idée d'un concours paillette", insiste-t-il, pointant le travail pérenne mené conjointement par sa fondation et l'ANRU, initiatrices du concours. "Les programmes de rénovation urbaine vont continuer que le gouvernement soit de droite ou de gauche, il y a unanimité. Nous sommes engagés dans un travail de fond", relève-t-il. Une posture que l'on retrouve donc dans la philosophie du concours. 
 

Un concours, et après? 

La question du devenir des gagnants reste le principal critère pour évaluer la portée d'un concours. Sur le sujet, Vincent Baholet est nuancé. "Les vainqueurs sont aidés, c'est sûr, à travers notre réseau. Pour autant, nous veillons à leur laisser leur autonomie. Et puis si nous leur avons attribué un prix, c'est que le projet valait la peine. Ils sortent rarement d'un chapeau." D'ailleurs, le jury a mis en place une grille regroupant 10 critères censés mesurer la solidité du projet. Besoin social, modèle économique ou nouveaux savoirs figurent dans la liste des attentes. Il faut dire que du côté des partenaires, qu'ils soient publics ou privés, l'enjeu est de taille. Inutile de dire qu'il serait désastreux pour eux d'accoler leur notoriété à un concours discrédité.
 

De la responsabilité des entreprises…

D’autant que leur participation doit leur être profitable. "Je ne nie pas que ce genre d'opération leur soit profitable en terme d'image. C'est évident", concède Vincent Baholet. Reste que leur implication ne pourrait pas se suffire de cela. "Il y a une vraie évolution des grands comptes sur le sujet. La responsabilité sociale des entreprises (RSE) a du sens, par exemple, à travers notre réseau de 4000 entreprises." Mais le sentiment de voir certaines grandes entreprises se racheter une virginité en soutenant des entrepreneurs des quartiers alors que des plans sociaux organisent le licenciement de nombreux employés -la fermeture de l'usine Peugeot d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) en est un exemple- existe dans l'opinion. Un constat auquel souscrit Vincent Baholet, à ceci près que " l'on ne peut généraliser." Si certaines d'entre elles utilisent la RSE pour flatter leur ego, d'autres en revanche jouent le jeu. "GDF-Suez a une vraie démarche RSE. Régulièrement, l'entreprise fait changer les tuyaux de gaz dans les quartiers, leurs cadres conduisent des actions de parrainage…" Si certaines traînent encore la patte en la matière, le délégué général note une vraie mutation dans le RSE. " A nous maintenant d'être plus exigeant pour éviter d'en faire un outil de com' au service de l'image des entreprises…"
 
Cérémonie de remise des prix: 11 décembre 2012
 
 
 
Nadia Henni-Moulaï
 
 
 

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