
Elections présidentielles et banlieues : la Hollandie = la Corrèze ET le Zambèze ? - Ressources Urbaines

La Corrèze a voté Hollande à 64%, la Seine-Saint-Denis à 65%. 68% en Martinique. 71% en Guadeloupe. Tulle à 75%, certains quartiers de Marseille à 75% (1er arrondissement), 76% à Bobigny, 78% à Villetaneuse, plus de 70% à Clichy-sous-bois, La Courneuve, Montreuil, Pantin, Pierrefitte, Saint-Denis, Saint-Ouen, Stains.
Des départements qui n’ont que peu de choses en commun en terme de population, d’identité et d’emploi. L’accordéon pourra-t-il un jour fusionner avec le gwo ka et le rap, pour caricaturer ? Zebda a tenté, le MAP aussi, c’est sans doute la France de demain… mais aujourd’hui, quoi de commun ?
La Corrèze plus le Zambèze ?
Des territoires laissés pour compte du centralisme jacobin ? De l’ancienne économie industrielle ? L’envie de ne plus être stigmatisé ? N’a-t-on pas envie, dans certains de ces territoires, que rien ne change, et dans d’autres, que tout change ? Les analyses englobantes sur l’exclusion territoriale trouvent peut-être là leurs limites. On n’est pas exclu, y compris dans l’offre de services publics, de la même manière à Brive et à Stains. La Seine-Saint-Denis n’est pas le Zambèze, mais elle la très forte immigration qui la peuple lui donne une identité particulière. Comment cet ensemble fait-il « peuple » ? Quelle communauté de destin, de dessein ? Quel projet commun ? Quelles forces sociales peuvent faire converger ces deux France ? Au premier coup dur, qu’est-ce qui les rassemblera cet aréopage hétéroclite, cet «agrégat inconstitué de peuples désunis» ?
Fracture, rupture, répit
On reconnaîtra certes que l’éviction d’un Président qui avait tant clivé est ressentie par beaucoup dans les quartiers comme un vrai soulagement. Depuis quelques mois, et encore plus depuis quelques semaines de course derrière le FN, l’ambiance était vraiment devenue très lourde. Exemple unique en France depuis des décennies, et tragique précédent de la part des plus hautes instances de l’Etat. Nicolas Sarkozy a pris le risque de fracturer la société française. Cette fracture, s’il avait été élu, aurait bel et bien pu se transformer en rupture.
Besoin d’un président curateur
Il faudra à François Hollande beaucoup plus que du sérieux ou de la bonhomie pour cautériser ces plaies. Il lui faudra un projet et un récit fédérateur. Et il lui faudra donner à la France un répit dans l’aggravation de la crise, pour qu’elle puisse progressivement accepter jusque dans ses contrées les plus traditionnelles le nouveau visage qu’elle a pris dans ses quartiers les plus modernes. Et pour que les transformations démographiques, économiques, sociales, territoriales, culturelles qu’elle connaît depuis trente ans et qui se sont transformées en crises (grèves d’octobre 1995, 21 avril 2002, référendum européen de 2005 et crise des banlieues de la même année…) traduisent en mutations assumées et plébiscitées par tous.
Dans cette logique de profonde refondation d’un modèle économique, social, culturel et d’un récit national intégrant à part entière les banlieues et leurs habitants, les médias des quartiers avec lesquels Presse & Cité travaille peuvent apporter une expertise réelle, unique.
Erwan Ruty