L’ultime coup de kärcher

Le 09-05-2012
Par xadmin

La dernière ligne droite vers l’Elysée aura, en un sens, été le condensé du mandat du président sortant. Une présidence sans boussole idéologique multipliant les embardées à l’extrême droite avec un aplomb et une franchise qui semblent installer le thème identitaire en qualité d’arbitre du débat politique.

 

 


Cette campagne n’aura pas été le sursaut face à cette crise mondiale qui abîme les Etats, enserre les peuples et fissure cette volonté de vivre ensemble chère à Renan. L’escalade du président sortant, éperonné par le score frontiste, aura été un retour à l’os des nations ; définition ethnocentrée du peuple et désignation des indésirables. Le péril que font peser les crises de la finance et des dettes sur le destin des nations, appelait à de nouveaux alliages, de nouvelles résiliences renouvelant la cohésion sociale, le pacte entre les générations et mobilisant toutes les ressources dans ce nécessaire plébiscite affirmant que la France fait de nouveau le choix de l’unité devant le tremblement du monde. Les 48,3% des suffrages exprimés en faveur de Nicolas Sarkozy, viennent douloureusement rappeler que le choix a été autre ; ni une clameur pour l’union, ni la volonté d’assumer un destin commun.

En convoquant les angoisses d’un peuple dont les repères sont heurtés par l’obsolescence d’une certaine idée de la France, le candidat de droite aura indiscutablement consolidé les crispations identitaires et la tentation sécuritaire. Même si François Hollande l’emporte avec l’impérieuse nécessité d’introduire des ruptures dans un contexte des plus difficiles, il devra surtout rompre avec cette maladie de la gauche qui face à l’extrême droite tait sa conception du peuple au profit d’un discours de basse intensité, de mesures fébriles sinon ridicules contre les discriminations et évite soigneusement d’introduire de nouveaux visages et de nouveaux parcours parmi ses décideurs.

Les concerts des potes, les promesses de meeting et les contorsions sémantiques n’y suffiront plus. En 2005 le couvercle a volé en éclat et la banlieue est désormais au cœur de ces territoires marquant un tropisme pour un FN ripoliné par Le Pen fille. Territoires qui frottent les banlieues, les côtoient dans les transports, les fuient en se barricadant à coups de zones pavillonnaires isolées et de crédits insurmontables. Des territoires de relégation où l’on s’ennuie comme dans une cage d’escalier un samedi soir et où l’on s’est convaincu que de l’autre côté de la barrière on se la coule douce en se goinfrant de prestations sociales. Des territoires enfin où l’on se saoule avec les discours identitaires de l’extrême droite et la désignation de boucs émissaires. Les voyous, la racaille, les racines chrétiennes de la France, la déchéance de nationalité, l’islamisation, l’immigration clandestine, la fraude aux prestations sociales, le bruit et l’odeur, sont autant de thèmes qui font florès et qui ont été imposés par le haut : partis politiques, élus, ministres, intellectuels fourvoyés… S’il y a bien un défi pour la gauche c’est celui du récit national, car il est grand temps qu’elle impose un discours lucide sur le peuple de France et qu’elle le traduise en actes qui ne soient pas que symboliques ou cosmétiques.

La situation n’appelle pas qu’à des mesures sociales ou techniques, elle commande des actes irrémédiables prompts à recréer des liens et de la fraternité là où les plafonds de verre et de ciment imposent leurs frontières. A défaut, c’est dans les débris des passions suscitées par Nicolas Sarkozy que de nouveaux prétendants agiteront l’idée que la France subit un siège de l’intérieur et brandiront de nouveau le kärcher.
 

Farid Mebarki, Président de Presse & Cité

 

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