Plusieurs médias des quartiers primés de l’ordre des Arts et des lettres : enfin la diversité des messages se fait entendre !

Le 06-04-2012
Par xadmin

Le jeudi 22 mars, le Ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, a remis l’ordre des Arts et des lettres à plusieurs responsables de médias issus ou travaillant dans les banlieues : Farid Mebarki, président de Presse et Cité (www.presseetcite.info), site d’information offrant un regard « de l’intérieur » sur ces quartiers, réalisé par des journalistes professionnels, acteurs et habitants des quartiers ; Philippe Merlant (ateliers au journalisme « Reporters citoyens »), Sabrina Kassa, (ateliers de formation au journalisme « Dawa »), et Nordine Nabili (Bondy Blog, que l’on ne présente plus) notamment. 

La récompense d’un long travail de sortie du ghetto

Une distinction qui parachève la reconnaissance d’un travail amorcé il y a plus de deux ans avec le ministère, qui a permis à plusieurs médias emmenés par le réseau de Presse & Cité de bénéficier d’un soutien financier des DRAC (Directions régionales des affaires culturelles) et d’organes comme le Fonds d’aide à la presse en ligne. Un symbole envoyé à l’ensemble des médias dits « des quartiers » : malgré un contexte économique très difficile pour la presse et des aides globalement en baisse, leur action et leur spécificité sont enfin reconnues, et considérées comme « d’utilité publique ». Et surtout, ils permettent d’échapper partiellement au milieu dans lequel l’action culturelle et les institutions ont trop longtemps confiné ces médias : celui de la seule politique de la ville. 

De la diversité des visages à la diversité des messages

Une reconnaissance qui témoigne, enfin, de la diversité de la manière qu’ont ces médias de voir le travail journalistique : reproduire ce qui se fait dans le reste de la presse et pourquoi pas intégrer cette dernière ; ou au contraire tenter d’inventer d’autres modèles et d’autres discours. 

Presse & Cité appartient définitivement à la seconde catégorie : nous estimons non seulement que les quartiers doivent avoir leur propre voix, que cette voix doit être portée par des professionnels essentiellement issus de ces quartiers, qu’ils puissent faire entendre la « voix des subalternes » (pour reprendre le vocabulaire gramscien des subaltern studies). Mais aussi que le contenu des messages portés doit être différent de ce qui se dit ailleurs. Il n’est pas question pour nous de reproduire les erreurs de perception, les prismes et les limites dans lesquels s’enferme la presse traditionnelle pour parler de la France et de ses quartiers. Une hirondelle ne fait pas le printemps, et un journaliste « issu de la diversité » dans un grand média ne changera jamais à lui seul le système médiatique ! Pour exprimer ce qui est en germe au sein des marges de la société française et va l’ensemencer dans son ensemble, il faut changer d’angle de vue, regarder et parler depuis ces quartiers.

Nous le disions déjà lors de notre 3ème Forum médias banlieues de La Villette (2010),  mais aussi lors des auditions auprès du Comité permanent de la diversité de France télévisions, ainsi que dans une note publiée par le think tank Terra Nova ou encore à la Commission Spitz sur les médias, dès 2009 : nous exprimons un nouveau récit sur cette société. La diversité des visages ne suffit pas. Celle des messages est indispensable.
 

Erwan Ruty, rédacteur en chef de Presse & Cité

 

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