La méthode Santaki

Le 08-02-2012
Par xadmin

L’écrivain made in Saint-Denis se démarque. Par son expérience, son style, sa méthode. Rachid Santaki s’était déjà fait remarquer avec 5 styles,  le premier magazine de culture urbaine, qu’il va porter quasiment seul pendant huit ans. Une aventure qu’il va abandonner pour se consacrer à une passion qu’il a nourrie pendant ses années « 5 styles », l’écriture. Avec le même leitmotiv : apporter la culture dans les quartiers populaires. Et sa méthode, plus qu’originale, vaut le détour.
Rachid Santaki reste avant tout un jeune de Saint-Denis. Même s’il n’est plus si jeune, 38 ans. Même si professionnellement, il est loin de galérer. Il demeure profondément marqué par son quartier. Dans le look, très « mec de cité », la casquette en moins, comme dans le langage avec des expressions telles « ça m’a fait gole-ri » ou « un truc de ouf » qui ponctuent son récit. Son style. Justement. C’est de là que tout a démarré. Par le magazine qu’il a créé en 2003, 5 styles. Le premier magazine de culture hip-hop à ne pas traiter que de rap, qu’il va porter quasiment seul pendant huit ans. Une expérience sur laquelle il revient volontiers, sans amertume. « J’ai du mal à dire "si c’était à refaire voilà ce que je n’aurais pas fait" parce que mes erreurs m’ont enrichi. Et puis au départ, encore une fois, je n’avais aucune formation, je n’étais pas journaliste, je n’avais pas les codes du milieu. Je les ai appris au fil de mes rencontres avec des gens du métier. Du coup, pas de regrets. Je peux comprendre que, quand tu mises tout sur un projet, tu peux être super déçu mais comme au départ je ne savais pas où j’allais, finalement  je n’ai pas de déception. » Un discours qu’il tient aujourd’hui devant les jeunes lors des interventions qu’il donne en tant que formateur dans des écoles de commerce ou des agences publicité… comme RSCG. « Ce que j’explique dans ces formations où les jeunes sont toujours très axés sur l’argent, c’est que j’ai suivi une formation de huit ans : 5 styles. Cette expérience a finalement été hyper positive. Sur un CV, ça pèse lourd. C’est comme si j’avais suivi un stage de huit ans. Alors, c’est sûr, financièrement ça m’a coûté cher, mais professionnellement, ça a été hyper enrichissant. Pour beaucoup, 5 Styles reste une référence. Sans être parano, on nous a fait plein d’enfants dans le dos. Surtout dans les quartiers. Mais je trouve ça plutôt flatteur. »
Flatté, il l’a été aussi par les prix qu’il a reçus. En 2006, Rachid Santaki a remporté le concours « espoirs de l’économie » de la Chambre de Commerce et d'Industrie et de Paris, pour 5 Styles. Il en tire une petite médiatisation. Y compris au Maroc où le magazine Tel quel le classe parmi les 50 personnalités qui vont faire le Maroc de demain. Mais plus qu’au Maroc, c’est en France qu’il veut faire bouger les choses. Dans son milieu, celui des quartiers populaires. « Je veux que les jeunes découvrent, ou redécouvrent la lecture. Et la culture, plus généralement. » 

Made in Saint-Denis

Du haut de ses presque deux mètres, il continue d’observer le monde qui l’entoure et s’en inspire dans ses romans. Car il a publié deux livres : La Petite Cité Dans La Prairie et Les Anges S'habillent En Caillera, qui va être réédité en poche. Le troisième, Des Chiffres Et Des Litres, doit sortir en mars prochain. « Je n’aurai jamais pensé qu’écrire deviendrait un kiffe, confie-t-il aujourd’hui.  J’ai commencé à écrire dans le magazine dans la rubrique Mec à l’ancienne où je racontais des histoires qui nous parlent à tous. La Petite Cité Dans La Prairie, c’est une plongée dans mon passé. » Les années 80, la génération Goldorak et Prisunic, les survêtement Challenger et la zik de son père, Kool of the Gang et Barry White. Le second, les Anges s’habillent en caillera, un polar où se mêlent bandes, drogues et flicaille. L’intrigue se passe à Saint Denis. Il ne pouvait en être autrement.  Le second volet de ce qui est devenu La trilogie des blocs, Des chiffres et des litres, est déjà écrit. « Quand je suis sur un livre, je me bloque un créneau tous les matins, de 5h à 9h, pour écrire. » Marié, père de famille, exerçant une activité professionnelle qui n’a rien à voir avec sa passion, tout en continuant à développer des projets pour des boîtes de com’, Rachid Santaki n’est ni un hyperactif ni un mordu de travail mais un garçon méthodique : un reste des années de sport pratiqué dans son adolescence. « Mon père voulait faire de moi un Rachid Balboa. » La boxe donc. Mais thaï, la boxe. Mais aussi d’autres sports de combat. Il sera également éducateur sportif, quelques années. De cette expérience, il tissera un certain nombre de contact. « Quand j’étais éducateur, j’accompagnais un certain nombre de jeunes qui ont évolué dans le milieu sportif. Dans le football notamment. C’est comme ça que j’ai pu avoir un Zidane ou un Thierry Henry en couv’ de 5 styles. Ca fait tout de suite plus crédible quand tu vas voir les annonceurs. » Un carnet d’adresses qu’il continuera d’alimenter à mesure des portes qu’il enfonce dans les métiers de l’édition, de la communication et de la publicité. A force de persévérance. « Ce qui touche les gens, je m’en suis rendu compte avec le recul, c’est m’a personnalité. Ma motivation et mon sérieux. On me dit c’est pas possible. Je reviens à la charge. Je reviens toujours à la charge. »

Dounia Ben Mohamed
 

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