Il n'est pas toujours facile de s'exprimer avec aisance devant un micro, face à une caméra ou un auditoire. Quelle préparation, pour quel message et quel média ? Une mise en pratique pilotée par Erwan Lecoeur (ex-Médiascopies), Yasmine Oudjebour (attachée de presse pour le Laboratoire de l'égalité), et Daniel Bouy (France Télévisions, ex journaliste à la vénérée Saga-cités).

Crédibilité, répétition, cible, message

« Il faut se préparer pour exister dans cette lessiveuse médiatique », explique Erwan Lecoeur. Leçon numéro un : pour plaire au public cible, il faut donc d'abord plaire aux médias, leur paraître sympathique. Comment ? En prouvant à leurs yeux, une légitimité à être chez eux ! Selon lui, le seul objectif d'une première interview n'est même pas de faire passer une idée, mais de convaincre le journaliste qu'on est crédible, légitime. Attirer l'attention. Or on ne peut à la fois attirer l'attention et faire passer un message ! L'objectif premier est d'être ré-invité par un média pour répéter son message ! « « Tout message doit rappeler quelque chose ! » Tout récepteur d'un message, tout public cible, cherche « à être confronté à quelque chose qu'il sait déjà, dit par quelqu'un qu'il apprécie (et donc connaît), pour entendre quelque chose qu'il a déjà entendu »... En gros, pour se faire entendre, il faut se faire entendre souvent, être reconnu, identifié par le récepteur. Cette répétition est essentielle. « Votre message n’est pas retenu à votre premier passage. Vous avez semé une graine que vous devrez continuer à arroser à chaque émission », martèle Erwan.. A ce moment, il peut alors être temps de commencer à faire passer une idée !

Ensuite, il convient de définir son public cible prioritaire. Yasmine Oudjebour conseille également d’entretenir en amont des relations avec les médias, « avec des petits-déjeuners de presse par exemple », afin que l'information soit relayée le soir ou le lendemain, et en envoyant des communiqués et dossiers de presse, très en amont d'un événement.

Ces techniques sont cependant à nuancer en fonction des médias : les médias alternatifs ont pour première mission d'organiser une minorité active et de lui donner la parole. La communication étant un rapport de forces, il faut agir avec une stratégie, des objectifs, un bon timing, des cibles, un porte-parole... Le tout étant de convaincre un journaliste et son rédacteur en chef de l'intérêt et de l'originalité du sujet que l'on porte.

Comprendre les contraintes des journalistes

Le temps est devenu une énorme contrainte. C’est la course à l’info, au scoop. « Avant on pouvait prendre le temps, explique Daniel Bouy. Pour un reportage de 26 min, on avait une à deux semaines de préparation sur le quartier puis une semaine de tournage. On revenait avant la diffusion débattre avec les habitants. Quand j’en parle aujourd’hui à mes collègues, ils me disent que c’était du luxe ! A présent, je fais des reportages de 13 minutes et là encore j’ai de la chance, les autres journalistes ont le droit à 1min30 et on appelle ça un dossier ! »

Préparer son intervention

Il faut d'abord se poser la question de ce que l'on veut que le/la journaliste retienne de l'interview. Pour Yasmine Oudjebour, toute personne qui va se faire interviewer doit préalablement se faire préciser son temps de parole, ainsi que l'angle qui a été retenu, et dans quel cadre paraîtra l'entretien. Elle doit aussi se renseigner sur les autres interlocuteurs invités, afin de pouvoir positionner son discours par rapport à eux, le cas échéant. Elle préconise même de préparer en amont des « punchlines, des expressions fortes destinées à marquer les esprits », voire même de s'entraîner avec son entourage avant un entretien.

Enfin, lors de l'entretien, il convient de concentrer son propos : « Souvent la réponse est intéressante mais trop longue, donc je peux rien en faire au montage » ! regrette Daniel Bouy.

Et surtout : ne pas chercher à jouer un rôle, « restez le plus naturel possible, ne soyez pas agressif, n’utilisez pas de pseudo langage », martèle Yasmine.

Nadia Hathroubi-Safsaf