
A Marseille, radio Gazelle, la « voix » de la diversité - Med'in Marseille

Fondée en 1981 dans la cité phocéenne, Radio Gazelle, l’une des plus anciennes radios libres de France, est un repère pour les « communautés ». La première présidente, Khira Aït Abbas, et une bande de jeunes issus de l’immigration ont construit un média à l’image de la ville. Elle renaît aujourd’hui de ses cendres après sa brutale fermeture en 2008. Et se lance de nouveaux défis, notamment l’installation d’une antenne dans les quartiers Nord.
Une mauvaise réputation vous colle longtemps à la peau. « On se méfie toujours de nous » soupire le directeur de Radio Gazelle, Mustapha Zergour. « On nous dit : ‘‘Donnez-nous votre radio, ouvrez votre Conseil d’administration, on vous donnera des subventions. Si vous restez fermés, vous n’avez pas d’aides’’ ! Mais nous voulons rester autonomes et libres. Quitte à ne pas avoir de subventions. Il n’est pas question de donner notre association à des politiques ou autres gens, martèle-t-il. Alors, on vit des recettes publicitaires et de mécénat. »
« Fermée » ? L’image fait sourire, pour une radio si ouverte à la diversité des communautés marseillaises. Au fil des années, elle a su capter son auditoire pour devenir en 2007 la fréquence la plus écoutée de Marseille, avec quelque 40 000 auditeurs par jour selon Médiamétrie. Mais en février 2008, la Gazelle perd sa fréquence au profit d’un réseau commercial parisien. Comme elle est « un élément fort des expressions de la diversité, un symbole reconnu par les communautés, elle réunit en quelques jours 60 000 signatures de soutien » pour récupérer la fréquence, se souvient Jacques Soncin, porte-parole du comité de soutien de la radio et par ailleurs président de l’association pour la Coopération des Radios Libres. Si bien que le Conseil d’Etat finira par reconnaître les droits de la radio, invalidant ainsi la décision du CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel).
Radio (des communautés) libre
Radio Gazelle continue de faire entendre sa voix, toujours différente. Elle est la seule à Marseille à diffuser les cinq appels à la prière, et réussit à rassembler dans son auditoire vingt-sept communautés, qui dictent et composent aussi sur sa programmation, assurée aujourd’hui par Mustapha. Les émissions sont le plus souvent proposées en français et dans une langue étrangère. Dina et Mohamed Gad, Egyptiens, travaillent là depuis 1991. Ce couple à la ville propose une émission en français et en arabe sur l’actualité, la société et la culture. « Nous sommes un relais. Nous avons suivi les événements sur le régime de Moubarak, la révolution du jasmin. Aujourd’hui, le mouvement libyen » explique Dina. Les titres des programmes sont évocateurs. « Capuccino », de Noël Orlando, « La voix des humiliés » de Nordine Tella… Depuis 2002, Ali Mansoibou anime lui l’émission d’actualité et culturelle ; « La voix des Comores ». « La radio est importante pour les communautés, toutes confondues, assure-t-il. Elle sert à l’éveil des gens, à une prise de conscience des grands débats qui ont lieu en France et dans nos pays ».
Une base dans les quartiers Nord ?
Des animateurs oeuvrent là depuis longtemps, gardiens du temple. D’autres ont rejoint les rangs depuis la réouverture à l’été 2009. Ils ont entre 20 et 25 ans, sont passionnés par un outil désormais numérique, par les réseaux sociaux, de Facebook à Twitter. Ils s’appellent Rayan Betayeb, Sébastien Bujajah, Thierry Miceli. « On diffuse maintenant sur Internet, donc dans le monde entier » s’enthousiasme Mustapha. Et le mois prochain, des images en direct du plateau de radio Gazelle seront même diffusées sur un site web spécifique, Gazelle TV. Mais entre conquête du monde et retour aux sources, Gazelle veut aussi « s’ouvrir vers les quartiers populaires, se projette Mustapha. On nous reproche un peu d’être trop sur le centre-ville. Tout en conservant notre siège social allées Gambetta, on va essayer de réémettre très vite depuis une base située dans les quartiers Nord. » Ainsi, malgré des moyens dérisoires, l’aventure continue. Avec une équipe qui garde espoir en des lendemains meilleurs.
Myriam Mounier / Med’in Marseille