
Les médias des quartiers : la saga continue !

Lorsque l’association Presse & Cité est née courant 2008, suite à une étude menée par Ressources Urbaines pour identifier quels étaient ses pairs, elle avait drainé la curiosité d’une trentaine de structures travaillant en France, dans les ZUS, qui avaient l’outil média pour levier.
Levier d’insertion, de professionnalisation, d’engagement citoyen, d’expression hip-hop, bref d’expériences bigarrées souvent portées à bout de bras par un seul et unique homme à tout faire mordu de la parole, ces médias ne sont surtout pas de purs outils médiatiques. Ils sont nés d’un besoin, et parfois d’un rêve : le rêve du papier. La presse écrite était leur modèle. Pote à Pote, Fumigène, Vu d’ici, Respect magazine, Projecteur, 5 styles, Graph’it ou Dawa… les premiers-nés des ces médias made in banlieue à nul autre pareils s’inspiraient de modèles passés, ou de leurs grands frères contemporains dits « dominants ». Et pourtant, déjà, une histoire s’achevait. La crise de la presse passait par là : là où elle frappait les plus riches et les plus en vue, qui vivaient l’épuisement d’un modèle économique qui n’avait en fait jamais réellement assuré leur autonomie, les plus petits des médias, les médias obscurs, les médias sans grade, les médias métèques, les médias qui breakent, ne pouvaient pas réussir sans casse.
D’une histoire à une autre
Une histoire s’achevait, mais comme dans tous les bons feuilletons, une autre commençait. La soif de parole mais aussi la simple poussée d’une génération montant depuis les rez-de-chaussée des MJC, la pression d’une société qui refuse de rester galérer dans les cités, la détermination patiente de ceux qui ont compris que rien de leur sera donné et qu’ils n’obtiendront que ce qu’ils auront arraché, toute l’énergie des quartiers affamés de réussite, assoiffés d’expression ou bercés d’illusions se condensait dans de nouvelles tentatives de sortir du ghetto par la plume, par le clavier, par la caméra ou par l’agra. Mais le plus souvent avec un nouvel outil, le web. Ainsi, au moment où naissait Presse & Cité, à la confluence de modèles passés et d’un avenir encore confus, le Bondy blog recevait ses lettres de noblesse, et beaucoup d’anciens médias des quartiers mettaient la clef sous la porte, rentraient dans un coma prolongé ou muaient en médias numériques. Le web paraissait à beaucoup comme le bon outil, à la portée des bourses percées des habitants des quartiers. Ainsi naissaient des expériences médiatiques encore moins rattachables à un modèle éditorial précis : Regards 2 banlieue, Med’In Marseille, Citizen Nantes, Afriscope, Kaïna TV, autant d’initiatives qui n’ont pas les épaules aussi solides que leurs ancêtres, mais qui tâtonnent dans la nuit des médias, dans le brouillard des banlieues.
Respectabilité enfin acquise
Certes le Bondy blog a pris un ascendant, acquis une respectabilité médiatiques, Respect magazine une reconnaissance auprès des institutions, dans l’économie sociale et chez les élites dites « de la diversité ». Certes Les Indivisibles ont renouvelé le genre, entre manifeste web et événementiel people. Mais plus que jamais, on peut l’assurer : il n’y a plus de modèle. Ni chez les puissants de la presse, ni chez nous autres nés du bitume ou de la nécessité.
Est-il temps de tirer des bilans, après seulement trois ans d’activité ?
En tous cas, c’est ce que nous tentons en ce début 2012, à travers un état des lieux du réseau. Un bilan provisoire qui néanmoins nous permet de penser que parmi nous, seuls survivront ceux qui sauront s’emparer des opportunités qui leurs sont parfois, trop rarement, offertes, qu’elles soient privées ou publiques. Presse & Cité a réussi à faire reconnaître par les acteurs publics la légitimité de son action et de son réseau. A nous tous de transformer l’essai, la saga continue.
Les médias rencontrés ce mois-ci :
LFM
DACP
Nouvelle Toile
Regards2Banlieue
Dawa
5Style
Erwan Ruty, rédacteur en chef de Presse & Cité