
A Vaulx-en-Velin, une Fête de l’Huma en miniature

Incomparable avec LA « Fête de l’Huma » parisienne, la Fête de l’Humanité version lyonnaise s’est tenue à Vaulx-en-Velin toute la journée du 26 novembre au centre Charlie Chaplin. Portée par le journal l’Humanité et les différentes formations politiques du Front de gauche, cette fête de poche tente de mêler public populaire et public militant. Ce dernier était au rendez-vous. Mais la population locale défavorisée ? Pas sûr… Camarades, encore un effort !
Vaulx-en-Velin, banlieue est et populaire de Lyon, est à une vingtaine de minutes en métro et bus du centre ville lyonnais. Mais ce samedi, jour de la fête de l’Humanité, lorsque l’on descend à la station Laurent Bonnevay, avant-dernière de la ligne A, aucune affiche visible n’annonce l’événement. La fête semble plutôt confidentielle… Situé au centre de la ville, non loin de la mairie, le centre Charlie Chaplin, tout en rondeur, a une capacité d’accueil de mille personnes. C’est grâce au prêt de cette salle par la mairie communiste que la Fête de l’Humanité a pu avoir lieu cette année.
« 12 euros pour trois concerts, ce n’est pas cher »
Car celle-ci a du mal à décoller dans la région Rhône-Alpes, faute de moyens financiers. Et l’on peut penser qu’il est difficile, dans ces conditions, d’appliquer un tarif accessible aux populations locales. Dès l’entrée, le tarif unique est annoncé : 15 euros la journée. Pas de tarif réduit pour les chômeurs ou RSAistes, nombreux dans la ville, mais une remise de 3 euros en prévente militante et après 20 heures pour les concerts. « 12 euros pour trois concerts, ce n’est pas cher » estime Raymond Combaz, responsable de l’organisation. Les jeunes devraient plutôt venir en soirée pour voir et écouter Broussaï, L’Homme parle et Barrio Populo.
Merguez, frites et politique
Lorsque l’on pénètre dans la salle communale, embrassant d’un seul coup d’œil la grande scène, la quarantaine de stands et l’espace « débats », on constate en effet que la moyenne d’âge est plutôt élevée et le public essentiellement militant même si « La moitié ne lisent pas le journal l’Humanité » précise quand même le responsable. Les stands sont partagés entre les formations politiques et les associations et même si certains proposent des mets « faits maison » le lieu fermé n’autorise pas les traditionnelles merguez-frites.
Rencontres et échanges
Au stand de la Confédération Nationale du Logement (CNL), on sait ce que précarité signifie. Les militants de l’association qui se battent aux côtés des habitants de Vaulx-en-Velin assurent le lien entre les structures d’aide existantes et les vaudais en difficultés. Joelle Blanluet, Présidente de la Fédération du Rhône explique : « La CNL locale participe à la fête de l’Huma car on est concernés dans le cadre du logement par la politique de la ville. On est là aussi pour rencontrer les parlementaires en lien avec nos orientations. On se bat pour un logement pour tous. » Nassera Lemoudaa, animatrice CNL d’un comité de quartier de Vaulx-en-Velin renchérit : « Etre à la Fête de l’Huma, nous permet de se rencontrer et d’échanger. »
Pour les militants et les associations
Les militantes de la CNL admettent néanmoins que le prix d’entrée reste inaccessible pour la population locale. Les rencontres concernent davantage les militants et les associations. Une autre structure tente de créer des ponts entre habitants des quartiers, associations militantes et élus : le Collectif Droits des Femmes qui réunit diverses associations comme Femmes Solidaires ou encore Osez le Féminisme, mais aussi des associations de quartier et des centres sociaux, par exemple. Sophie Charrier, élue à Vaulx-en-Velin en est à l’initiative. « L’intérêt est qu’on fait des actions qui permettent de passer dans les associations locales et de toucher les femmes des quartiers. Le fait de créer un collectif permet de mettre tout le monde sur le même piédestal ». Dans la salle communale, seules les interventions suscitées par les débats perturbent le brouhaha ambiant. Après la rencontre entre responsables syndicaux et dirigeants politiques de gauche, les « femmes du monde en résistance » sont à l’honneur. Les invitées témoignent des luttes générales en Tunisie, Egypte, Turquie… et tentent de donner une définition de ce que signifie pour elles le féminisme.
S’ancrer dans chaque département
Pour cette fête départementale, les organisateurs attendent 2000 personnes : « La volonté est de s’ancrer dans chaque département en gardant la ligne très ouverte et de rencontrer la population. » Et même s’il s’agit « d’adapter la fête de l’Huma » à un niveau plus petit, Raymond Combaz avoue que les critiques ont toujours été les bienvenues pour améliorer la fête qui a déjà eu lieu au niveau régional entre 2005 et 2009 mais n’a pu se maintenir pour raisons financières. « Le bilan de cette initiative nous permettra de voir comment améliorer l’ouverture de la fête à plus de gens. »
« On a décidé de rentrer en force »
Heureuses paroles, qui peuvent néanmoins laisser certains sceptiques, tant il y a matière à s’interroger sur la rupture évidente entre les quartiers et les politiques, perceptible en ce lieu. Selon Abdelaziz Chaambi, créateur de l’association Divercité, le froid remonte à 1999. « Lorsque se sont tenues les assises de la politique de la ville à Vaulx-en-Velin, nous n’avons pas été invité. On a décidé de rentrer en force pour faire entendre nos voix. La municipalité nous a alors proposé trois postes que nous avons refusés car derrière il n’y avait pas de volonté réelle d’une politique pour les quartiers. » Pour Abdelaziz, les stratégies des politiques pour se maintenir au pouvoir sont contradictoires avec les besoins réels et urgents des habitants des quartiers. Hocine, également membre de l’association reste sceptique sur les relations entre les associations de quartier et les politiques « de gauche ou de droite », et ce malgré la tenue du Forum social des quartiers en octobre dernier à Montpellier. Il constate que « les politiques sont dans un rapport très paternaliste alors qu’on est dans une perspective de mouvement autonome. L’objectif n’est pas d’être sous tutelle, on en a ras-le-bol, on est des adultes. Les gens des quartiers sont écœurés c’est pourquoi ils ne votent plus. »
On comprend mieux l’absence des habitants des quartiers à une fête censée les concerner…
C. M.