Utiliser le capitalisme pour vivre dans un monde vraiment équitable ?

Vincent Hejduk
Le 31-05-2017
Par Abdessamed Sahali

Arts, médias, syndicalisme, économie sociale et solidaire, autant de secteurs investis par les jeunes pour éclairer et transformer le monde avec de nouveaux outils et de nouvelles manières de faire. Vincent Hejduk, co-fondateur de MakeSense nous raconte les bouleversements en cours dans les manières de s’engager.

 

 

En quoi consistent concrètement vos activités ?

L'idée générale est de permettre à n'importe quel citoyen de pouvoir à son niveau s'engager sur des grandes causes qui lui paraissent insurmontables. Le but est de répondre aux objectifs de développement durable tels que défini par l'ONU en aidant des entrepreneurs sociaux qui s'occupent de besoins non couverts par les Etats en termes d'éducation, de santé, de pauvreté... Cela se fait via la mobilisation de volontaires engagés dans l’infrastructure, le réseau et les outils de MakeSense. D'un côté, on a des gens qui ont du temps, des compétences et qui veulent impacter ces grandes causes. De l'autre côté, des entrepreneurs sociaux qui sont confrontés à des défis d'innovation, des défis opérationnels ou stratégiques... Une quinzaine de personnes par exemple se mobilisent et via une méthodologie spécialement conçue pour le défi vont définir une solution pour permettre de résoudre ce défi : un modèle économique, un financement social, l'animation d'une communauté autour d'un projet... Nous avons ouvert des bureaux à travers le monde (Paris, Manille, Beyrouth, Dakar et Mexico) qui travaillent pour faire remonter des innovations sociales et trouver des volontaires pour les accompagner. On a aussi des incubateurs à Mexico, Paris et Dakar où des entreprises sociales suivent des formations et sont accompagnées par un réseau de mentors. Enfin, nous disposons d'une activité média qui nous permet de rendre visible les choix de société que l'on défend. On produit ainsi du contenu éditorial pour faciliter le questionnement sur la faculté à pouvoir travailler à son niveau sur une partie de la solution. L'an dernier, autour d'une mobilisation sur les réfugiés en Europe organisée par notre communauté, on a ainsi réalisé le documentaire Waynak qui traite de la question du vivre-ensemble. Comment des entrepreneurs sociaux, des organisations citoyennes, des volontaires et des réfugiés co-créent des solutions en termes d'intégration des réfugiés ?

 

En quoi l'économie sociale et solidaire est-elle une forme d'engagement ?

Enormément de personnes veulent changer les choses. Je pense que l'entreprenariat social, l'ESS et d'une manière plus générale, des structures comme MakeSense sont des terrains propices pour tester de nouvelles méthodes d'apprentissage, de nouvelles postures de travail. Il s'agit d'un engagement sur du long terme qui est très différent de celui qui nécessite à mettre tous ses efforts pendant trois mois dans une campagne présidentielle qui, au final, ne marche pas et provoque déception et désillusion. Au-delà de l’engagement citoyen et d'une exploration d'un terrain d'expérimentation, je pense qu'il y a un vrai enjeu à faire en sorte que les gens comprennent aussi que la citoyenneté, la démocratie se construisent tous les jours et pas seulement. Le miracle arrive si les gens sont bien outillés pour changer les choses à leur échelle. On a, par exemple, une start-up qui a pensé des ballons remplis d'hélium et munis de panneaux photovoltaïques reliés à des batteries sur terre qui permettent d'alimenter électriquement une quinzaine de tentes et un petit hôpital dans un camp de réfugiés.

 

Comment définiriez-vous le rôle d'un entrepreneur social ?

C'est une approche qui repose notamment sur les idées de Mohammed Yunus, prix Nobel de la Paix en 2006, inventeur du social business et du micro-crédit. Le modèle défendu par l'entreprenariat social est celui d'une croissance économique saine, d'une organisation de l'entreprise qui ne verse pas de dividendes et réinvestit tous ses profits au sein de la structure pour que soit créés plus d'emplois ou pour créer d'autres activités, les salaires sont encadrés et la gouvernance est partagée... Quand on prône ces critères, cela pousse à créer des modèles économiques super innovants. Comment faire par exemple pour que des populations désargentées puissent bénéficier de certains services tout en gardant une activité économique pérenne ? Tous les entrepreneurs sociaux développent ainsi des prototypes qui influencent par diffusion le reste de l'économie. Leur rôle est d'agir comme des signaux d'alerte pour que les grandes industries apprennent, elles aussi, à changer leur manière de produire, de commercialiser, de communiquer... Il est possible d'utiliser le capitalisme pour vivre dans un monde vraiment équitable en remettant l'homme et la nature au centre sans verser dans l'utopie.

 

 

 

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