Une timide marche contre le racisme

Selon les organisateurs, 25 000 personnes ont défilé samedi à Paris contre le racisme (photo : Cosme Buxin)
Le 02-12-2013
Par Emeline Le Naour / CFPJ

Samedi à Paris, à l'appel du monde associatif et syndical, 25 000 personnes se sont rassemblées, selon les organisateurs, 4 000 d’après la police, pour manifester contre le racisme et dénoncer les récentes attaques contre la Garde des Sceaux, Christiane Taubira. Une mobilisation en demi-teinte à quelques jours d’autres rendez-vous autour des 30 ans de la Marche.

 
 
Emmitouflées dans leurs écharpes, Geneviève et Christiane, la soixantaine, ont bravé le froid de cette fin novembre pour rejoindre le cortège du Mrap. Au milieu des petites mains jaunes « Touche pas à mon pote » de SOS Racisme, des pancartes « Tous pas pareils, tous égaux » du Mrap, les rangs sont clairsemés sur la place de la République. Au regard de la myriade de têtes grisonnantes qui piétinent, la jeunesse n’a pas fait le déplacement pour « faire front contre le racisme ». Les manifestants, pour la plupart venus du monde associatif sont âgés d’une soixantaine d’années. La présence de sans-papiers se résume à un groupe d’une vingtaine de personnes en marge du défilé. 
Alors que le cortège se met en branle silencieusement pour rallier la place de la Bastille, on peut lire sur les banderoles que tiennent les deux militantes : « Marchons contre le racisme avant qu’il ne nous marche dessus ». Car pour Christiane et Geneviève, il était impératif d’être présentes, ne serait-ce que pour protester contre « la  banalisation du racisme emmenée par la droite ». Si elles fustigent le discours de la droite décomplexée de Nicolas Sarkozy qui « a ouvert la porte à un racisme institutionnalisé », les deux militantes ne sont pas plus tendres avec le gouvernement socialiste. Les deux amies soutiennent fermement la Garde des Sceaux, mais n’hésitent pas à exprimer leur indignation face au discours de Manuel Valls qu’elles qualifient d’anti-Roms. 
 
Si Marie-Claude a rejoint la manifestation aujourd’hui, aux côtés de la Licra c’est parce que « comparer un membre du gouvernement à une guenon, ça a été pour moi la goutte d’eau, un électrochoc ». Antillaise tout comme la ministre, elle craint pour l’avenir de ses petits-enfants et espère « que les esprits vont s’apaiser ». 
Habituée des rassemblements contre la discrimination, elle se dit « surprise » du peu d’entrain de la manifestation qui prend peu à peu des allures de marche blanche. Toujours dans le calme, les cortèges, désorganisés, se rassemblent tant bien que mal devant une petite estrade censée accueillir les discours des politiques qui ont daigné rester jusqu’au bout. Ce ne sera pas le cas de Jean-Luc Mélenchon ou de Harlem Désir, tout deux passés en coup de vent.
 
 


Manifestation du 30 novembre 2013 contre le... par Presse_et_Cite

 

L’autre manifestation

Dans le cortège de SOS Racisme, la musique entrainante que crachent les enceintes du camion tranche avec la torpeur du rassemblement. L’organisation, créée à la suite de la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983 ne fera pourtant pas partie de la manifestation du 7 décembre célébrant les trente ans de l’événement. Encore moins du rendez-vous prévu le 3 décembre et organisé à Montparnasse par les associations de l’époque. Armé d’un mégaphone, main jaune de rigueur collée sur son blouson de cuir, Hadrien Lenoir, fringuant jeune homme et membre du bureau national ne cache pas sa déception. Pour lui, les accusations de récupération politiques sont de « vieilles rancœurs qui n’ont plus lieu d’exister ». Il tient tout de même à être présent la semaine prochaine mais rejoindra le cortège sans étiquette, incognito. 
 
Un peu plus loin, Miguel, lui, ne défile pas. Cet ancien ouvrier de Gennevilliers aux cheveux longs poivre et sel tracte devant une banderole du Collectif national égalité des droits/Justice pour tous, organisation directement issue de la marche de 83. « Je ne veux pas m’associer à une manifestation qui soutient un gouvernement qui stigmatise les Roms. Pour moi, le véritable rassemblement, c’est la semaine prochaine, explique cet ex militant de la LCR, c’est dommage que nous soyons divisés ». La Marche, il la connait bien, il l’a rejoint durant huit jours à l’approche de la capitale en décembre 1983, il avait 27 ans et était membre du collectif jeune de la marche. Avec ses camarades de l’époque, il est allé d’usine en usine conter aux ouvriers de la première génération l’initiative pacifique de cette poignée de banlieusards qui « voulaient simplement qu’on les accepte ». Trente ans plus tard, son constat est amer : « Les choses se sont aggravées, les jeunes des quartiers sont toujours des laissés-pour-compte ». Alors samedi prochain, Miguel battra le pavé pour rendre hommage à cette marche qui lui a donné, à l’époque, « le courage de se battre contre l’injustice ».
 
 
 

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