Un vidéomaton à Aulnay-sous-bois : filmer, écouter, raconter
Le théâtre Kygel, entre Paris, Sevran et Aulnay-sous-bois (93), fait du théâtre, mais provoque aussi rencontres et débats. En particulier sur la mémoire et l’identité, depuis 2006 (« Banlieue en héritage(s) »). Un dispositif vidéo permet aux habitants des quartiers de se raconter face caméra. Il s’est récemment associé à la mairie d’Aulnay dans le cadre de ses projets de démocratie locale.
Le barnum municipal, chauffé et garni d’un sympathique buffet, a attiré une petite foule d’habitants, en froid ce samedi de janvier. Si bien que le théâtre Kygel ne porte plus si bien son nom : il fait chaud, et les aulnaysiens présents découvrent le dispositif presque futuriste d’une des trois « tables numériques 3D » existant en France, à la manière de ce qu’on voyait il y a dix ans dans Minority Report (de Steven Spielberg), et plus récemment, dans certains JT…
Tout de suite, les gens vont voir leur rue, et après, ils élargissent
Une attraction
Un agent municipal effleure du doigt le plan numérique de la carte Google de la ville, et hop, sur écran géant, on peut voyager dans les rues ou en vues aériennes, dans celle-ci. « On la met parfois à disposition des gens sur les marchés, avertit, plein de fierté retenue, Julien Nemeth, directeur du service démocratie participative et politique de la ville de la mairie. Ca peut être une vraie attraction. Tout de suite, les gens vont voir leur rue, et après, ils élargissent, se promènent sur la carte… Après, il y aura une application Smartphone pour naviguer et voir les projets de la ville. » Une sorte d’aboutissement pour des projets de démocratie participative lancés dès 2008 (notamment les conseils de quartier). Objectif, à terme : le 5ème Forum national de la démocratie participative, qui se tiendra à Aulnay à l’automne 2013. « On y montrera le film qui aura été monté avec le vidéomaton », confie l’agent municipal.
Avant, on filmait les gens chez eux, à Sevran notamment. On parlait de mémoire, de travail…
Aller dans les quartiers
« Démocratie participative ? » Le père du dispositif de vidéomaton, Karim Yazi, reconnaît que le concept provoque la perplexité de la plupart des habitants. Des habitants dont la parole, selon lui, « a du mal à sortir : les gens se disent que les films vont être regardés par la mairie… » Du coup, difficile de dire ce que l’on a sur le cœur. Découplée du lourd dispositif barnum + table numérique, « la cabine va aller dans les quartiers, dans les fêtes de quartier etc. Avant, on filmait les gens chez eux, à Sevran notamment. On parlait de mémoire, de travail… » Bref, de la vie quotidienne, dont la presse rend si peu ou si mal compte.
il y a une réflexion avec l’industrie aéronautique pour rassembler une filière
Les temps changent
Il reste que ce type de rencontre est indispensable dans un contexte local pour le moins mouvant : la ville est encore sous le choc de la fermeture annoncée de l’usine PSA qui a fait sa gloire pendant longtemps… Mais les temps changent : « Il y a une conjoncture particulière : le fait que le métro automatique arrivera là où PSA a son usine créera un appel d’air. Et il y a une réflexion avec l’industrie aéronautique, Eurocopter notamment, pour rassembler une filière : on est près du Bourget, de Charles de Gaulle… Et PSA n’utilisait que 80 hectares sur les 180 qu’il possédait… » De quoi faire rêver toutes les entreprises franciliennes. D’ailleurs, le prix au mètre carré de bureau s’en ressent, aux abords de la Gare : près de 5000 euros, comme s’en félicite presque le maire lors de sa présentation des projets urbanistiques à venir. « 6000 mètres carrés de bureaux sont demandés. C’est une première, depuis que nous sommes là ! Les Domaines, la CNAF, le centre des impôts du Blanc-Mesnil, des services administratifs de Pôle emploi… Il y a un nouveau marché foncier qui se créée. Tout ça, ça veut aussi dire des emplois… »
Un changement d’ère sur lequel les habitants ne manqueront sans doute pas de s’exprimer face caméra, à partir du printemps, quand le vidéomaton aura recouvré son caractère « associatif ». En attendant, une dernière installation « para-municipale » se tiendra en février à la Maison de l’environnement d’Aulnay. Avant que l’ensemble des interviews soient montées par le théâtre Kygel pour un film global, à l’aune de ce qui était fait précédemment sur les questions de mémoire.
