
Talents des cités 2014 : un bol d’optimisme dans une période morose

Ça faisait plaisir à voir : l’hémicycle du Sénat pour une fois rempli de jeunes, de femmes et de citoyens de couleur ! La 13ème édition de « la seule manifestation publique » se tenant au Palais du Luxembourg a vu défiler ce 18 octobre des centaines d’entrepreneurs de ces quartiers populaires qui sont les plus dynamiques du pays. Preuve que la République n’a pas démissionnée dans ces territoires.
Ils proposent d’ouvrir des crèches dans les prisons. Des garages solidaires. De diffuser des produits ethniques dans les grandes surfaces. D’accompagner les équipages de marins en transit par la France. De distribuer des produits frais et cuisinés aux entreprises, de vendre des produits de service écologiques dans le secteur de la propreté. Ils sont de tout le territoire. La plupart sont issus de quartiers populaires, et de la France métissée. Mais nouveauté, cette année, les critères ont été élargis : plus de limite d’âge et ouverture aux territoires ruraux et périphériques, si chers à Gérard Larcher, à nouveau Président (Ump) du Sénat, qui ouvre la cérémonie, et à une classe politique sujette à un vent de panique montant concernant ces territoires, qui semblent accablés par le désarroi et de plus en plus tentés par le vote frontiste. Témoin de cette ouverture, un lauréat fabriquant de couteaux de la ville de Thiers (Puy-de-Dôme), ville voisine et concurrente de Laguiole. Jérémy Wies, le lauréat 2014, issu du quartier de Hautepeirre à Strasbourg, n’a que 24 ans. Il a créé Synovo, développant un logiciel de gestion automatique des flottes d’ambulances.
« Beaucoup de projets écologiques »
A l’arrivée, 570 candidats (soit +20% par rapport à 2013), candidats souvent dénichés par les Boutiques de gestion (réseau BGE), et « beaucoup de projets écologiques », remarquera Perrine Tarneaud, l’animatrice de la cérémonie. Alors que le lauréat 2013 a déjà créé quatorze emplois, il y de quoi « redonner espoir quand le pays est traversé par le désarroi », ajoute la présentatrice de LCP, La chaîne parlementaire. Car l’énergie est bien là : Mohamed Zeghoubi (Le Havre, quartier bois-de-Bleville) fait « 35 heures tous les deux jours » pour Crewlines. François Dechy (Romainville, cité Marcel Cachin) veut « créer de l’emploi dans notre quartier tout en aidant les paysans d’Île-de-France », avec A table citoyens ! Le tout « dans une logique d’insertion et de commerce équitable ». Nadia Laatris (de Pont-Sainte-Marie, quartier Debussy, en Champagne-Ardenne) qui se présente comme mère célibataire de trois enfants, est au RSA mais ne veut « pas faire sa Cosette ». Elle ne trouvait pas de travail dans sa formation, qu’à cela ne tienne, elle a créé une activité dans le domaine de la propreté pour les entreprises (elle se propose à titre d’exemple de « rénover les sols plutôt que de les remplacer »). Charlotte Audier et Diana Tanchaleun, elles, sont les responsables du Barathym, café associatif de La Villeneuve, à Grenoble (à peine deux cafés pour 12 000 habitants) ; elles ont créé 6 emplois en deux ans, alors qu’elles n’étaient pas du quartier (mais étudiantes à l’Université Grenoble-3, voisine)… « Ainsi les gens se parlent à nouveau entre quartiers », assure leur parrain du groupe Casino.
« Allez-y ! Ne vous méfiez pas ! »
Quant à Salim Zein, d’Alès (quartier Gambetta), créateur d’un centre culturel numérique, Arcadémie, il affirme avec aplomb, du haut de son expérience (il a 47 ans, est titulaire d’un Masters en histoire et en ingénierie culturelle et a été professeur de Lettres en lycée professionnel) : « Après Paris, Montpellier est la capitale française du jeu vidéo, qui est devenue la première industrie culturelle mondiale. Il faut apprivoiser cette force. Puis, avec une certaine éloquence : Je suis pour un Grand pardon entre les jeux vidéo et l’éducation. » Autre pépite pleine d’énergie, Camille Ruiz-Balesteros, de La Rochelle (La Palice), qui porte une initiative dans le domaine de l’alimentation, « premier facteur d’inégalité sociale » : « Dans nos parcours, on nous dit toujours Attention, méfiez-vous, c’est dur ! Eh bien non ! Ne vous méfiez pas ! Allez-y ! Grâce à la politique de la ville, on est là aujourd’hui ! » Myriam El Khomry, secrétaire d’état à la Politique de la ville, présente, aura certainement apprécié.
A l’arrivée, Talents des cités aurait soutenu la création de plus de 4000 emplois en treize ans. Si bien que la toujours remarquable sénatrice (Ps) Bariza Khiari peut conclure : « La compétence efface l’appartenance géographique et ethnique. Votre réussite fera taire ceux qui prophétisent le suicide de la France. Etre ici nous redonne de l’énergie, vous êtes le levain de notre futur ».