
Soir de Présidentielle à Clichy-sous-bois : Hollande oui. La Bastille, non !

L’association Ac Le Feu avait mis les petits plats dans les grands pour le soir de la Présidentielle, dimanche 6 mai. Objectif : continuer à faire entendre la petite musique des banlieues dans une cacophonie électorale qui a une fois de plus failli se terminer sur le dos des immigrés.
Mohamed Mechmache, leader de l’association emblématique de l’engagement des quartiers populaires, ne s’en cache pas : il a eu l’oreille de François Hollande depuis des mois. Au local de campagne de ce dernier, à Clichy en avril lors du « 48 heures pour les banlieues » du nouveau Président, et visite lors du coup de force médiatique du Ministère de la crise des banlieues en février dernier. Le numéro 1 de l’association estime même que plusieurs propositions reprises çà ou là par François Hollande émanent du travail d’AC Le Feu. Conclusion logique : si au premier tour des présidentielles, il n’y avait pas eu de consigne de vote, pour le second, l’association avait clairement appelé à voter Hollande.
« Le PS a la clef, à lui d’apporter la réponse »
Mais Mohamed Mechmache n’est pas tombé de la dernière pluie : « On attend de voir le gouvernement. Si on ne reprend pas les mêmes qu’avant, alors il pourra y avoir un effet boule de neige pour les législatives. Sinon… La gauche n’a pas intérêt à rater son rendez-vous. La société civile a joué son rôle dans cette élection. Maintenant, le PS a la clef. A lui d’apporter la réponse. » Quoi qu’il en soit, lui, présentera une liste aux législatives, dans le droit fil de la liste municipale « Affirmation » qui existe depuis le lendemain des émeutes de 2005 : c’est dit, c’est annoncé, c’est net. Et ça pourrait faire mal à la gauche locale : « Avec ce qu’on fait depuis sept ans, on est un acteur incontournable. » Pourtant, le moins qu’on puisse dire, c’est que la question des quartiers a brillé par son absence dans les débats électoraux. Le jugement de Mohamed Mechmache est sans appel : « Tout le monde s’est arrêté sur des manifestes comme celui de Terra Nova qui disait qu’il fallait miser sur les classes moyennes. Je pense que les quartiers ont fait peur à gauche : en parler trop aurait pu éloigner un autre électorat… »
La Bastille c’est pas pour nous
C’est clairement l’ambiance qui se dessine ce soir de victoire : Sarkozy a perdu, mais les quartiers populaires n’ont pas gagné pour autant. Sur les quelques dizaines de jeunes présents dans le jardin à l’arrière du nouveau local clichissois de la crise des banlieues, personne ne comptait trop se rendre à la place de la Bastille. Tout au plus à Bondy, pour rendre visite au plateau qui s’y tenait avec les voisins du Bondy blog. « On n’ira pas à la Bastille, c’est pas pour nous ! » clamait une des hôtesses présentes aux quelques journalistes présents qui voulaient bien l’entendre. D’autres faisaient grise mine quand on leur demandait si effectivement, le changement, c’était maintenant : « T’as vu mon âge ? Est-ce que j’ai la tête de quelqu’un qui croit à tout ce qu’on dit ?» Lapidaire. Il faut dire que certains avaient effectivement de la bouteille, en matière de politique : des anciens du MIB, de Ni Proxo Ni Macho, de Banlieues plus… des militants qui ont été de tous les combats depuis les années 80, et à qui on ne la fait plus.
Drapeaux Bleu Blanc rouge au Chêne-Pointu
Cela n’a cependant pas empêché les youyous de résonner aussi fort qu’en 1998 pour la victoire à la coupe du monde de foot contre le Brésil. Tout le monde connaissait les résultats depuis au moins une heure quand la tête de Hollande est apparue à 20 h sur l’écran géant, mais l’explosion de joie n’en a pas moins été réelle. Libératoire, même : l’ambiance était devenue lourde dans le pays, après quelques semaines de campagne à droite-droite toute. Du coup, dans la rue, à la cité du Chêne-Pointu, c’était jour de fête : tout le monde dehors en train de saluer la victoire, cortèges de voitures pavoisées du drapeau Bleu-Blanc-Rouge, klaxon à tue-tête, rodéos de jeunes à deux-trois sur le premier scooter venu (y compris de livraison de pizza), blocage des rues. Mais pas de foule dans les transports pour se rendre à Paris. A part ce jeune homme de Clichy, quasi seul dans le bus… et étudiant en Sciences Politiques à Villetaneuse.
Erwan Ruty