Profession banlieue souffle ses vingt bougies
Vingt ans à accompagner la politique de la ville de manière critique. Une des premières structures nées suite à l’émergence de ce concept, fait le lien entre associations, institutions et chercheurs. Pour quel bilan ? La foule d’experts était là, mais la parole donnée à plusieurs maires dressait un constat mitigé concernant l’action de cette politique de « compensation ».
Il est incroyable que la Seine-Saint-Denis soit le département qui paie le plus d’impôts locaux en Île-de-France !
Une certaine inquiétude planait sur l’atmosphère feutrée de la grande salle de la mairie de Saint-Denis, terre d’accueil de l’association Profession banlieue. Certes, Patrick Braouezec (président de Plaine Commune) avait beau jeu de rappeler que « sans politique de la ville, je ne sais pas où on en serait aujourd’hui », les difficultés persistantes des banlieues, et les sombres perspectives, par temps d’austérité. Toujours tout feu tout flamme, Stéphane Gatignon, maire de Sevran, tonnait : « On est au pouvoir, il faut mener une politique volontariste ! Il est incroyable que la Seine-Saint-Denis soit le département qui paie le plus d’impôts locaux en Île-de-France ! Il faut simplifier la Dotation de solidarité urbaine, le rapport Pupponi [sur la péréquation, c’est-à-dire la solidarité entre villes, NDLR] est une usine à gaz ! »
« On a trop demandé à la politique de la ville »
Du point de vue de son voisin de droite, au sens propre comme au figuré, Xavier Lemoine, maire de Montfermeil, « on a trop demandé à la politique de la ville. On demande aux politiques publiques de tout faire de la même manière sur tous les territoires, alors qu’on sait qu’ils n’ont pas les mêmes moyens. Et ensuite on demande à la politique de la ville de combler les déficits. Remettre des moyens dans un puits sans fond, ça ne sert à rien. Il faut remonter aux causes : pour moi, dans les banlieues, les enjeux sont culturels, pas seulement économiques et sociaux. » Et de se lancer dans une illustration du différencialisme en matière de santé ou d’autorité ! On a du mal à saisir en quoi ces supposées différences devraient infléchir la politique de la ville, ses moyens et objectifs ; mais on se doute que le même discours, doit régulièrement être tenu face à certains de ses administrés 100% français, afin qu’ils votent pour lui, de manière sans doute plus crue.
« La mixité sociale est un échec »
Plus dans la ligne républicaine traditionnelle, Stéphane Peu, directeur de Plaine Commune Habitat, réclame « l’égalité de traitement, pas la discrimination positive. C’est ça, le droit commun ! Compte tenu de notre population, on devrait avoir 650 policiers, et non 300 comme aujourd’hui, dans notre commissariat ! » Et de donner quand même un coup de barre à gauche : « A chaque enquête sociale, entre 85% et 95% des habitants dans les logements rénovés veulent rester. Ca ne sert à rien de plaquer une sociologie extérieure qui est inopérante : la mixité sociale est un échec, ça ne correspond pas à une envie ! »
on se plongera dans l’énorme mais très belle brochure éditée pour l’occasion
Pour se consoler, on se plongera dans l’énorme mais très belle brochure éditée pour l’occasion (« 20 ans à penser la politique de la ville en Seine-Saint-Denis »), qui en rappelle les temps forts et les actions phares, les positionnements face à l’actualité (crise des banlieues, plan Borloo…), tout en dressant un portrait technique de certains acteurs et projets, ainsi qu’un riche historique du territoire.
En quatrième de couverture de cette brochure, un dessin de magnéto imite la série Mission Impossible. « Votre mission, si vous l’acceptez : professionnaliser, qualifier l’action des acteurs de la politique de la ville ». Vocabulaire empesé des techniciens du domaine, mais utilité de la mission : on espère que Profession banlieue ne « s’autodétruira pas dans les 10 secondes »…
