
Politique de la ville : avis de décès ?

La politique de la ville, inaugurée en grande pompe par François Mitterrand en 1982 dans le sillage des émeutes en banlieue lyonnaise, connaît certainement sa pire remise en cause. Régulièrement brocardée par la Cour des Comptes ou dénaturée depuis l’engouement pour le traitement par le béton plutôt que par l’action sociale, elle n’en demeure pas moins -faute d’alternative sérieuse- vitale pour les 953 territoires concernés et leurs millions d’habitants. Et pourtant, comme pour les plans sociaux et leur sémantique mielleuse, il semblerait que sous couvert de « modernisation », « rationalisation » et « redéploiement », ce levier de solidarité nationale soit en passe de devenir un souvenir.
Souvenez-vous des années Borloo au ministère de la ville et de ces caméras avides de sensations fortes offrant au public les scènes dantesques de destruction de barres HLM. Emotion des habitants, détonation, poussière, gravats et pelleteuses annonciatrices d’un renouveau. Thérapie simpliste en cinq actes, ce banlieue show repris en boucle dans les JT, a séduit les Français et a largement permis à la droite de donner sa définition de la politique de la ville.
Les effets de la pierre sur la misère sociale tardant à se faire sentir, on aurait pu croire que Fadéla Amara nommée secrétaire d’Etat à la politique de la ville, allait revenir à un équilibre en faveur d’une approche sociale des banlieues. On a un temps parlé d’un budget chiffré en milliard, d’un plan Marshall, puis d’une vague "dynamique espoir banlieue", pour finir par cet aveu lâché lors de la 10ème conférence des Maires : "Il n'est pas possible qu'un petit secrétariat d'Etat à la Politique de la ville puisse régler ce problème". Faute d’un budget sanctuarisé et d’une volonté présidentielle sans faille, la politique de la ville s’est muée en un modeste cahier des charges remis à chaque ministre pour mise en application dans leur secteur d’intervention, au gré des priorités. Seules quelques expériences en faveur de la diversité, sont venues au secours du plan de communication du gouvernement sur ce sujet ô combien sensible.
2011 pourrait sonner le glas. Au ministère des finances, on élabore les budgets qui permettront à l’Etat et aux collectivités de remplir leurs missions de service public. L’austérité est dans toutes les projections : gel des dotations aux collectivités, redéfinition drastiques de la cartographie des territoires de la politique de la ville, réformes des collectivités et obligation d’une participation financière de 30% des communes pour obtenir d’autres cofinancements utiles à la réalisation de leurs projets... En feignant d’ignorer que les banlieues populaires sont également souvent celles qui ont le moins de ressources propres, et que la solidarité nationale est le levier majeur de survie de ces territoires, le gouvernement condamne les communes les plus pauvres.
A part Claude Dilain et quelques associations d’élus locaux qui tirent la sonnette d’alarme devant cette rupture inédite, une grande majorité d’hommes politiques, y compris à gauche, se laissent séduire par la nécessité d’un Grenelle de la sécurité. L’escalade sécuritaire du mois d’août, les sondages anxiogènes, l’approche de l’élection présidentielle, les thèses de Hugues Lagrange et les nouveaux gadgets policiers que Brice Hortefeux compte promouvoir, étouffent encore une fois les voix « discordantes ». Indignation des uns, l’opprobre sur d’autres , et pour les banlieues la promesse d’une saison aride.
Farid MEBARKI
Président de Presse & Cité