
Les soirées de l’ambassadeur sont toujours un succès…

Bonne nouvelle ! Le pragmatisme à l’américaine s’exporte en France. En banlieue plus précisément. Depuis 2009, l’ambassade des Etats-Unis tisse des liens privilégiés avec les banlieues françaises.
Les Etats-Unis n’ont jamais été aussi présents dans les quartiers populaires ! Sylvester Stallone à Rosny (Seine-Saint-Denis) pour la première de Expendables en juin 2010, Samuel L. Jackson à Bondy quelques mois plus tôt. Et si les stars hollywoodiennes découvrent les banlieues, théâtre des émeutes en 2005, certains Français issus de la diversité entretiennent des rapports étroits avec les Etats-Unis. D’abord à travers les services de son ambassade parisienne, installée dans le prestigieux 8e arrondissement. Régulièrement, l’ambassadeur Charles Rivkin (ancien chef d’entreprise dans le domaine de la production audiovisuelle), ouvre les portes de sa résidence. Débats, colloques ou célébrations du 4 juillet (fête nationale des Etats-Unis), ces occasions sont autant de moyens d’élargir le panel des « talents » issus des quartiers populaires. Qu’il s’agisse d’une rencontre sur les entrepreneurs culturels (juin 2010), d’une visite à Villiers-le-Bel de l’ambassadeur (en septembre 2009) pour inaugurer une fresque sur le collège Martin Luther King, ou d’une formation community organising par des membres de l’équipe de campagne d’Obama (juin 2010), en direction de militants de tous les partis politiques, appartenant aux minorités visibles, comme on dit… les initiatives se multiplient pour tendre la main à des populations qui n’attendent que ça.
Mais pour Paul Patin, attaché de presse de l’ambassade, « nos actions ne sont pas limitées aux gens de la banlieue. Ce serait une erreur de le penser.» Reste que ces dernières années, on assiste à une médiatisation de ce que certains qualifient d’OPA des Américains sur les quartiers. Un phénomène certainement accentué par l’accession de Barack Obama à la Maison Blanche en 2008. « C’est évident que la victoire d’un Noir à une élection présidentielle sonne comme un formidable espoir pour les jeunes de banlieue. », estime un participant à l’un des programmes d’échanges menés par l’ambassade. Car si les Américains sont prompts à se déplacer dans l’Hexagone, ils sont aussi enclins à recevoir. Depuis 2009, près d’une soixantaine de jeunes issus de la diversité ont foulé le sol américain. Parmi les échanges phares, le Programme Visiteur International. Selon Patin, « il concerne moins d’une dizaine de personnes par an. » But de l’opération ? « Faire connaître les Etats-Unis à ces jeunes leaders mais aussi jeter des ponts entre les deux cultures», explique Paul Patin. Mais le programme n’est pas ouvert à tout le monde. « Il faut être nominé par un officier de l’ambassade », précise t-il. L’implication de l’ambassade en banlieue est de notoriété publique. Randiane Peccoud, chargée de la société civile, mène d’ailleurs un travail de fourmi pour détecter ces leaders de demain, aux antipodes des canons de l’élite française. Une minutie qui fait dire à certains comme Fayçal Douhane, membre du PS, qu’elle détient « le Who’s who de la diversité.(1) » Si l’intérêt peut surprendre, après tout en France les quartiers portent une image négative, la démarche, elle, semble naturelle. « C’est notre travail de connaître les gens qu’ils soient de la diversité ou non, de Normandie ou de banlieue! Nicolas Sarkozy y a d’ailleurs participé…», s’étonne Patin. Autre programme, celui des Jeunes ambassadeurs, davantage destiné aux lycéens ou étudiants. Objectifs ? Favoriser l’égalité des chances et développer le sens civique des participants. En 2011, 29 jeunes, issus des quartiers politiques de la ville, sont devenus jeunes ambassadeurs. Grâce à l’Acsé(2). Depuis 2009, l’agence en charge de la cohésion sociale s’est associée à l’ambassade permettant à des jeunes des quartiers de la politique de la ville de profiter à leur tour de ce voyage. Difficile pour les pouvoirs publics d’ignorer la démarche… Tant mieux, il est temps de prendre la réussite des quartiers au sérieux…
Nadia Henni-Moulaï
(1) Washington à la conquête du 9-3, 05 juin 2010, Luc Bronner, Le Monde
(2) Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances