Karim Zeribi : « Les USA ont compris avant la France qu’on allait jouer un rôle important »

Le 09-09-2011
Par xadmin

Quel est le point commun entre Nicolas Sarkozy, François Fillon, Lionel Jospin, Alain Juppé, Gerhard Schröder, Romano Prodi, Tony Blair, Margaret Thatcher, Laurent Gbagbo, et, en moins connus, Eros Sana (ancien porte-parole de la campagne présidentielle de José Bové en 2007), Najat Vallaud-Belkacem (conseillère générale du Rhône et adjointe au maire de Lyon), les rappeurs de La Rumeur ? Ils ont tous profité de l’International Visitor Leadership (IVLP)1 , le programme des visiteurs internationaux aux Etats-Unis ! Témoignages de quelques uns de ces privilégiés qui ont pu voir les meilleurs côtés de la première puissance mondiale, mais aussi parfois sa face obscure.
 

« Nous n’avons pas l’habitude d’autant d’égards »
Dérivé d’une loi d’échange éducatif et informatif aussi connue sous le nom de « Smith-Mundt Act » (1948), promulguée à une période où les Américains étaient surtout préoccupés par la propagande soviétique, ce programme voulait promouvoir une meilleure compréhension entre les USA et d’autres pays à travers l’échange culturel et éducatif... entre élites ou supposées futures élites ! En France, depuis le 11 septembre 2001 et encore plus depuis les révoltes d’octobre 2005 et l’élection d’Obama, les Etats-Unis s’intéressent davantage aux leaders musulmans et aux têtes montantes issues des quartiers populaires. La presse française s’en est fait l’écho depuis 2008 s’étonnant ou se méfiant de cet intérêt soudain. « Quand c'était Nicolas, Jean-Pierre et Manuel qui partaient dans le cadre de ce programme, on n’en parlait jamais, mais quand c’est Mohamed, Karim, Sabrina et Myriam qui sont invités, là on s’interroge pour savoir pourquoi on s’intéresse à eux. Je crois qu’ils ont compris avant la société française qu’on allait jouer un rôle important dans ce pays », analyse l’ancien footballeur Karim Zeribi, parti en mars 2008 aux Etats-Unis dans le cadre de ce programme. Ali Soumaré, élu PS à Villiers-le-Bel, n’est pas parti mais a participé à des formations et est régulièrement invité à l’ambassade, comme toutes les personnes que celle-ci a repérées, notamment pour la garden party du 4 juillet ou pour la rupture du jeûne pendant le mois de ramadan. Ainsi l’ambassade des Etats-Unis entretient ses relations avec l’élite des quartiers : « Même si je ne suis pas dupe et qu’il est évident que ces démarches participent d’un intérêt certain, je trouve qu’ils ont une attitude humble lors des échanges que nous avons eus concernant nos expériences. Ils nous écoutent comme s’ils écoutaient un professeur », raconte Ali Soumaré. « Nous n’avons pas l’habitude d’autant d’égards. Voir les Américains dans une démarche qu’on aurait souhaité des institutions françaises, c’est plutôt flatteur ».

Mais que font nos banlieusards aux States ?
Difficile de décliner une offre aussi séduisante. Sans aucune contrepartie. Taillé sur mesure, chaque voyage est soigneusement préparé avec l’ambassade pour savoir ce que le participant souhaite voir et faire sur place. Leyla Arslan, auteur de « Enfants de Marianne et de l’Islam » et élue à la Mairie de L’Île-Saint-Denis, partie l’an dernier aux Etats-Unis, a pu rencontrer des associations qui travaillent sur le community organising dans le ghetto de Chicago : « C’était intéressant de mettre cela en parallèle avec les quartiers populaires français », nous confie-t-elle. « Ce n’est pas du tout la même structuration sociologique même s’il peut y avoir des problèmes qui reviennent de façon récurrente comme les rapports avec la police. En France, même si on a un recul du service public, il y a quand même une présence de l’Etat. Là bas, il est absent. Ce sont donc les grandes organisations communautaires qui font le service pour assurer un minimum de cohésion sociale. Ceci serait difficilement applicable en France. Ici, même s’il y a beaucoup de problèmes et moins de ‘’minorités visibles’’ représentées, on a quand même la possibilité de se former et un ensemble de protections sociales qui peuvent permettre de s’en sortir ».

Avant son voyage, Karim Zeribi avait une image plutôt négative du modèle américain : « Je n’étais pas spécialement attiré par le modèle économique et social des USA. Pour moi c’était la loi de la jungle. J’ai demandé à visiter les universités et les entreprises, et à rencontrer des compagnons de Malcolm X. Ce programme m’a fait traverser cinq Etats. C’était des journées très intenses. On était chez l’habitant, donc on voyait comment les gens vivaient. Je trouve que ce programme est génial. C’était très enrichissant d’un point de vue personnel ». L’opinion de Karim Zeribi a donc évolué : « Ça m’a permis de confirmer qu’il n’y a pas de modèle parfait. Il y a des choses intéressantes là-bas, comme l’esprit d’initiative. En France, on est un peu plus assis sur une forme de stabilité administrative. Il y avait justement un sondage au moment où je suis parti qui disait que les jeunes de moins de 30 ans en France voulaient entrer dans l’administration et la fonction publique. Aux USA, ils ont plus envie de devenir Mark Zuckerberg ou Bill Gates. Il y a aussi le patriotisme américain qui peut avoir des aspects positifs. Cela me donne envie de piquer ici et là, et notre modèle, sans être balayé, peut évoluer ».

Pour lui, les Etats-Unis cherchent à faire des populations maghrébines et africaines de France « des amis ou du moins pas des ennemis. Ils ont envie de démontrer qu’ils ne sont pas les ennemis des musulmans malgré leur politique qu’on a raison de critiquer comme en Irak, ou le soutien inconditionnel à Israël, etc. Mais je crois que si vous avez une meilleure image des USA en revenant qu’en partant, ils considèrent qu’ils ont réussi leur mission ». Lui est parti pendant la campagne d’Obama, dont il a d’ailleurs fondé le comité de soutien en France. Ces opérations peuvent donc avoir un bon retour sur investissement…

Meriem Laribi

 


 

Participez à la réunion de rédaction ! Abonnez-vous pour recevoir nos éditions, participer aux choix des prochains dossiers, commenter, partager,...