Juste des mots pour combler les maux - Vu d'ici

Le 09-12-2010
Par xadmin

Octobre 2005: le centre social des Tilleuls, au Blanc-Mesnil (93), part en fumée. Une réflexion s’engage avec les habitants pour comprendre pourquoi un espace collectif est devenu une cible. Un journal, Vu d’Ici, naîtra de ces cendres, avec le soutien, entre autres, de citoyens et habitants du quartier armés de plumes. Qu’est-ce qui a changé au Blanc-Mesnil ? La rédaction de Vu d’ici a tenté de répondre à cette question.

On a parlé d’un plan banlieue ? Pour qui ? Où ? Combien ? Pour nous, zéro. Les financements aux associations ? Lesquelles ? Prenons l’exemple de Vu d’ici. Notre journal, dans le quartier des Tilleuls, a reçu au début des soutiens financiers que nous n’avons plus aujourd’hui. Nous allons vers la parution, mi-janvier, de notre dernier numéro. Une aventure collective de réflexion, formation, écriture, tenue à bout de bras par quelques-uns et qui n’intéresse personne. Dans le quartier il n’y a plus de centre de santé. Le peu de commerces ferment inexorablement, les logements sont vendus et nous avec, passant d’un bailleur à un autre sans que nous ne profitions a minima d’un entretien décent. (Voir Vu d’ici n°13). Les services publics désertent. Déjà, la CAF. La Poste qui réduit ses horaires, la SECU qui parle de partir.

Du quartier nous regardons aussi le monde et du quartier nous voyons bien la tentative de diviser les populations entre jeunes et vieux, hommes et femmes, laïcs et religieux, français et étrangers... Les jeunes ? Pour les jeunes, il n’y a eu aucune amélioration. La dégradation de leurs conditions de vie est constante et engendre déprime, toxicomanie, violence contre les autres ou envers eux-mêmes, agressivité, désœuvrement. Quoi que l’on pense de la forme d’expression utilisée en 2005, ils ont pris des risques importants en laissant éclater leur colère pour protester contre les discriminations, le racisme et leur absence de perspectives. A cela on a répondu par l’augmentation des lois répressives et la gestion policière, par la mise en responsabilité « des voyous, des délinquants » qu’il faut mater. Alors on perfectionne la police et on l’envoie dans les quartiers. Aujourd’hui on est même surveillé par des hélicoptères qui survolent nos têtes à basse altitude, en balayant l’espace avec des projecteurs et des moyens de surveillance technologique développés.

Il n’y a jamais eu de réel engagement pour les quartiers. La manipulation politique mise en œuvre pour rendre coupables les habitants des quartiers populaires occulte la responsabilité majeure des pouvoirs politiques successifs. Nous avons l’impression d’être sur des territoires qui bénéficient de traitements d’exception dans tous les domaines. Nous ne sommes pas prêts d’oublier l’utilisation de la loi de 1955, en novembre 2005, pour la mise en place du couvre-feu. Aujourd’hui on nous menace de la déchéance de la nationalité. Avec au passage, un discret retour sur la réhabilitation du fait colonial, de l’histoire de France centrée sur elle-même.
Il ne s’agit donc pas tant de chercher à faire un bilan cinq ans après - comme si avant le décès des jeunes de Clichy tout allait bien – mais d’interroger les politiques de la ville sur vingt ans. Qu’est-ce qui a été fait en direction des quartiers ? Pour le combat contre les discriminations et le racisme ? L’engagement pour l’emploi des jeunes et de leurs parents alors que le chômage y est massif ? Rien. Des mots pour combler des maux. On a le sentiment de sombrer un peu plus chaque jour dans le chaos. Mais attention : ce qui arrive aujourd’hui dans les quartiers populaires sert de modèle pour une expérimentation à plus grande échelle.


Vu d’ici

 

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