JJPI V4 : une nouvelle vague pour le cinéma français ?

Laurence Lascary, présidente de la FJPI
Le 04-06-2014
Par Erwan Ruty

Le 3 juin se tenait la 4ème session de la Journée des jeunes producteurs indépendants, à Aubervilliers. Toujours entre rencontre pro et mise en lumière d’une génération qui ne veut plus qu’on parle d’elle à sa place. L’occasion de faire aussi un bilan grâce à la projection d’un remarquable documentaire sur un sujet qui collait vraiment : « Comment l’immigration a renouvelé le cinéma français ».

 

Après une matinée assez dense, le marathon de la JJPI se poursuivait l’après-midi au « Magic Miror » d’Aubervilliers, coincé entre le nouveau Millénium et le « fashion center » trusté par des centaines de grossistes chinois. Tout un symbole, tant le renouveau et le dynamisme de nouveaux commerces et de nouvelles populations sont ici palpables. Pourtant, le public de cet après-midi était clairsemé, alors que les « sessions de marché », rencontres entre producteurs et réalisateurs, sont le moment fort de ce type d’événement reliant pros et nouveaux entrants dans cet écosystème complexe qu’est le cinéma français. Dommage pour les absents, qui ont par ailleurs raté un documentaire de grande qualité, très justement titré « Nouvelle vague », par Edouard Mills-Affif et Julien Gaertner. Le sous-titre dudit film justifiait pleinement sa présence : « Comment l’immigration a renouvelé le cinéma français ». Une question que tous les présents vivaient au quotidien. Et à laquelle le débat qui s’en est suivi a donné quelques exemples concrets : « Comment les producteurs s’emparent de l’histoire collective ? »



Les petites histoires dans la grande


« En racontant des petites histoires dans la grande » ! répondait d’entrée de jeu Morad Kertobi, responsable du département court-métrage du CNC, un fidèle de la JJPI. « Nous sommes tous des enfants d’immigrés, juge Ndero Sou Ngadoy, auteur et réalisateur d’un projet transmédia sur la construction identitaire. Beaucoup de parisiens ne sont pas parisiens de souche, et ont pu vivre une même violence que celle qu’ont vécu les immigrés. Nous venons tous de quelque part, et mon histoire est un peu la vôtre. C’est important de partir de la subjectivité pour atteindre l’universel ». Un jugement auquel adhère estime Elie Séonnet, producteur du collectif BKE : « Faire des films de banlieue pour les gens de banlieue, ça ne fait rien avancer. Il faut faire bouger le curseur », toucher le grand public. D’autant que la problématique n’est pas seulement la couleur, comme le relève un témoignage du public. « Il y une question de génération, avec de nouvelles réalités ». « Heureusement qu’on a un mec de 37 ans à la tête de radio-France ! » lance alors ce membre de la JJPI, faisant référence à la récente nomination de Mathieu Gallet à la direction de la Maison ronde.



Question de subjectivité


Et Laurence Lascary, présidente de la Fédération des jeunes producteurs indépendants, à l’origine de la journée, de confirmer : « Ce qui compte, c’est pas forcément l’expérience du porteur d’un projet, mais ce qu’il a à dire, et l’adéquation avec la subjectivité de ceux qui sont dans les commissions. » Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, exemple à l’appui, Laurence Lascary assure que cette subjectivité ne se fait pas forcément aux dépens des auteurs issus des quartiers.


« Et ça s’ouvre ! »


La problématique a cependant changé depuis les premières années de ce cinéma issu des marges. Comme l’assure Elie Séonnet, « ce qui est important, c’est d’où on parle. Ca suffit à ancrer le récit, même s’il ne vient pas de jeunes des cités. Pour nous, c’est un choix de s’installer à Evry. On y fait venir des gens qui n’y seraient jamais venus ». A ce titre, l’histoire que retrace le film Nouvelle vague témoigne du chemin parcouru : « Le cinéma est souvent en avance sur son temps », disait déjà Edouard Mills-Affif le 2 décembre 2013 lors d’une projection de son film au cinéma Le Louxor. « La fiction nous fait voir la psyché d’une époque. Notre film raconte comment ces cinéastes sont passés de la marge, de sympathiques outsiders, à des successeurs de Renoir ou Piallat, comme Kéchiche. » Et son co-réalisateur Julien Gaertner de confirmer : « On ne peut plus représenter les immigrés et leurs enfants comme dans les années 70, car il y a des acteurs et des réalisateurs connus.



Si bien qu’aujourd’hui, comme le reconnaissait un des invités de la soirée, « le passé commence à passer, mais par la porte de l’art. » Propos recoupé par le cri du coeur optimiste de Sabrina Ouazani, actrice interviewée par les réalisateurs de Nouvelle vague : « Et ça s’ouvre, ça s’ouvre » !
 

 

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