
Interview exclusive avec Fadela Amara : « Dynamique Espoir banlieues », les rouages

Nous avons rencontré la Secrétaire d’Etat en charge de la Politique de la Ville pour faire le point sur son action en direction des quartiers dans un contexte où la « Dynamique Espoir Banlieue » a pris le relais de l’ex-Plan Banlieues… peu avant qu’elle-même ne fasse un point avec les autres Ministères impliqués, le 1er octobre 2009. Sur quelles forces s’appuyer, pour combler le fossé chaque jour grandissant entre les quartiers populaires et le reste de la société française ? Education populaire, rénovation urbaine et nouveaux délégués du Préfet, rapide tour d’horizon.
Fadela Amara jouit d’une position particulière au sein du gouvernement de Nicolas Sarkozy : toujours en poste malgré un remaniement, on peut penser qu’elle doit sa survie dans un univers de droite qui pourrait lui être hostile à plusieurs facteurs, facteurs qui pourtant ne la disposaient pas à durer à ce poste parmi les plus difficiles, puisque traitant du cœur même du mal français, les banlieues. Issue d’un quartier populaire, de province qui plus est (Clermont-Ferrand), tête de proue des combats féministes dans les banlieues, militante de terrain et activiste de la Gauche Socialiste pendant des années, volontiers « grande gueule » comme elle l’assume (et en joue), rien ne semblait la disposer à copiner avec la bande à Sarkozy-Hortefeux-Balkany, dite « du Fouquet’s ». Mais son ostracisme par une vieille gauche frileuse, qui date même de bien avant Ni Putes Ni Soumises, en a fait une proie idéale pour un Président de la République avide de brouiller les pistes politiques, et dont le populisme doit s’épauler d’une telle conquête populaire. Fadela Amara est télégénique, de par son franc-parler, mais son expérience politique et ses nombreux contacts institutionnels (depuis NPNS) lui ont sans doute permis de tenir là où Rachida Dati et Rama Yade, sorties de l’anonymat par le fait du prince, ne pouvaient que s’envoler à la première bourrasque. Pourtant, rien n’est gagné. Car la Secrétaire d’Etat n’a plus beaucoup d’amis à gauche, et tance volontiers les milieux déjà bien affaiblis et qui lui manquent pour permettre à une action sociale forte de se développer dans les quartiers : les acteurs de l’insertion et de l’éducation populaire.
Dans la même logique, comment remplacer ces acteurs pourtant défaillants : l’Etat a longtemps, à travers le FASTI, le FAS, le FASILD puis l’ACSé, permis à des associations souvent issues de l’immigration et de fait implantées dans les banlieues, de sauver un minimum de cohésion sociale dans des zones frappées par trente ans de chômage. Mais aujourd’hui, même l’ACSé est à bout de souffle, les budgets s’étiolent, la lisibilité des actions soutenues a du mal à se faire, et beaucoup, y compris en son sein, craignent sa disparition pure et simple. Si Fadela Amara promet d’avoir tout fait pour en assurer la survie, y compris si cela devait se faire au sein d’une nouvelle entité, bon nombre d’acteurs de la politique de la ville se plaignent de la faiblesse de ses moyens au regard de ceux déployés pour le « dur » : le bâti, l’urbanisme, sous la houlette de groupes qui ont toujours eu le dernier mot en la matière, et qui aujourd’hui font la loi dans les banlieues via les milliards d’euros de l’ANRU. Va-t-on recommencer comme dans les années 60 ? Tout pour le béton, si peu pour l’humain ?
De même, un nouveau corps est en train d’émerger, pour coordonner l’action des 1001 officines de l’Etat et des collectivités dans les quartiers en ZUS, en particulier : les délégués du Préfet. Utile équipe de chevaux-légers issus du terrain tous dévoués à son créateur et courroie de transmission qui lui permettra de passer à côté des blocages administratifs traditionnels, ou nouvelle couche dans un mille-feuille technocratique déjà passablement étouffant ?
Propos recueillis par Thomas Romain et Erwan Ruty