« Il faut oser le PACS entre social et écologie »

Le 10-06-2011
Par xadmin

Electeurs, conséquences de la crise économique et sociale, valeurs et thématiques portées par les écologistes : les écolos sont-ils en terre de conquête dans les banlieues ? Réponse de deux élues écologistes qui habitent en banlieue parisienne (Argenteuil et Villeneuve-Saint-Georges) : Cécile Duflot, urbaniste de profession, conseillère régionale d’île de France et secrétaire nationale d’Europe Ecologie-Les Verts, et Alima Boumediène-Thiery, sénatrice de la même formation.

Presse & Cité : Qui vote pour les Verts en banlieue?
Cécile Duflot : Contrairement aux idées reçues, les écologistes ont toujours été présents en banlieue. Ce n'est pas un hasard si les premières villes avec un maire écologiste furent Bègles, Montreuil ou L'Île-Saint-Denis. Dans ces villes nous avons toujours eu des militants très actifs, impliqués dans différents réseaux, de l'éducation populaire, de l'économie sociale et solidaire, des associations de quartier.
Alima Boumèdiene-Thiéry : Les électeurs écolos de banlieues sont assez divers. Il doit y avoir un public très bobo, de gauche bien-pensante qui croit en l’écologie et qui n’a plus envie de se retrouver avec le PS. Grâce au vote écolo, ces gens ont le sentiment de voter à gauche mais différemment. Après, il y a toute une partie de l’électorat qui se dit ni de gauche ni de droite, et qui est plus proche du milieu associatif. Trop souvent, ce type de personnes confondent associatif et politique. Ce sont ceux qu’on peut appeler « les écologistes pur sucre ». Enfin, plus récemment, on a un électorat populaire qui commence à monter parce que les gens se sentent de plus en plus représentés par des personnes de la diversité, de la nouvelle génération, un peu comme moi. Des personnes issues de leurs rangs, de leurs cités. On a pris des positions fortes sur les sans papiers, sur le droit de vote des immigrés, sur des questions de société, sur la Palestine, etc.

Presse & Cité : Est-ce que les têtes de listes sont représentatives des habitants des quartiers populaires?
Cécile Duflot : L'objectif n'est pas d'avoir seulement des têtes de listes représentatives. C'est bien l'ensemble des listes qui doivent être représentatives de l'ensemble de la population. En matière de diversité, les écologistes n'ont pas de leçon à recevoir que ce soit au Parlement français, au Parlement européen ou au Conseil régional d'Ile de France.
Lors des émeutes de 2005, les élus écologistes se sont mobilisés avec les associations contre l'état d'urgence. Au moment des élections régionales, nous avons rassemblé plusieurs représentants de ces associations, notamment des membres d'AC-LEFEU.
Cette diversité quelle qu'elle soit (sociale, générationnelle, d'expériences...) est une grande richesse. Je suis fière de présider un groupe de 51 élus et élues, aux parcours et aux profils si divers.
A. B-T : Non, pas toujours. Mais on est présents dans certaines villes. A Argenteuil, où je suis, la majorité du groupe local est composée de personnes issues de quartiers populaires. Mais j’ai l’impression que beaucoup de Verts n’ont pas encore pris conscience de l’importance de la question sociale. Quand on se rencontre, j’ai l’impression que la lutte sociale est au cœur des discours seulement, les jeunes des quartiers populaires qui viennent demander des places sont souvent reçus avec un regard méfiant. On a parfois du mal à accorder les discours et les actes.

Presse & Cité : Quelles conséquences la crise économique a-t-elle eu sur le vote écolo en banlieue?
Cécile Duflot : Cette crise économique n'est pas une simple crise financière, c'est une crise de modèle de société. Face à cette crise les réponses sont multiples, et les réactions de l'électorat très diverses, allant de l'abstention, du vote Front national au vote écologiste. On nous a souvent affirmé que la crise économique de 2008 allait voir s'effondrer le score des écologistes. C'est le contraire qui s'est produit. Aux dernières élections régionales, le score des écologistes a ainsi atteint 15% en moyenne en Seine-Saint-Denis. Les écologistes doivent constituer la réponse offensive à Marine Le Pen. Notre but n'est pas seulement de la combattre mais bien de la battre, sur le terrain, sur les idées, dans les urnes.
A. B-T : Je pense qu’il y a un regard de plus en plus favorable envers les écologistes. Personnellement, je crois que la justice sociale ne va pas sans la justice environnementale. Et vice versa. A mon sens, il faut oser le PACS entre social et écologie. Pour moi, c’est cela l’écologie politique. Et je pense que c’est parce que nous avons ce discours et que nous menons des combats sociaux contre les exclusions, les discriminations, etc. que le vote écolo a été favorisé dans certains quartiers. Mais malheureusement, tout le monde sait que le pouvoir n’est pas entre nos mains.

Presse & Cité : Quelles valeurs écolos peuvent correspondre à des préoccupations des habitants de quartiers populaires ?
Cécile Duflot : La vision écologiste c'est de s'intéresser d'abord à l'humain, à son environnement (y compris social), plutôt qu'à sa production ou à sa consommation. D'où l'importance pour nous de mieux-vivre, de justice sociale. La qualité de vie ne doit pas être un privilège. Plus que les autres, les quartiers populaires souffrent d'un environnement dégradé, de la casse des services publics, de l'accroissement des inégalités. Les [appartements] passoires énergétiques, avec lesquels les habitants se prennent de plein fouet la crise pétrolière, se retrouvent d'abord dans les quartiers populaires. L'absence de politique de l'emploi ambitieuse, elle se fait ressentir d'abord dans les quartiers populaires. La politique du tout voiture et l'absence d'investissement dans les transports en commun, c'est encore dans les banlieues qu'on la ressent.
A. B-T : Je vous donne un exemple. Je travaille beaucoup sur des questions comme le saturnisme. On pensait que c’était une maladie qui disparaissait, or, pas du tout. Elle touche beaucoup de personnes et surtout les enfants qui habitent des quartiers populaires parce que les logements, où vivent souvent des familles nombreuses ou issues de l’immigration, des familles pauvres, sont souvent insalubres, et le saturnisme revient de manière importante.

Presse & Cité : Quels échos rencontrent les thématiques écolos dans les quartiers ? Ne sont-elles pas reçues comme des préoccupations de riches ?
Cécile Duflot : Améliorer les transports en commun, développer l'emploi, lutter contre les inégalités, lutter contre le mal-logement, ne me semblent pas être des préoccupation de riche. Dans les quartiers populaires, le premier parti reste l'abstention. A nous de mobiliser et de revivifier le débat démocratique.
A. B-T : Ce n’est pas un problème de riches mais on peut dire que les gens les plus aisés peuvent y faire face plus facilement. Aujourd’hui, manger bio, c’est cher. Mais cela ne signifie pas que nous devons nous cacher derrière cela. Au contraire. En tant que militants de gauche et à gauche, nous devons être là pour porter ce combat et faire en sorte que les familles en difficulté puissent avoir accès à l’écologie et faire face à ces problèmes-là.

Propos recueillis par Meriem Laribi


 

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