
Foot d’elles : le foot pour faire bouger les lignes en faveur des femmes ?

Marianne Gazeau ne connaît rien au foot, elle le clame ! Cette dirigeante d’une société de « veille et analyse stratégique » travaillant pour de grandes entreprises a été tôt confrontée « à des préjugés liés à mon côté féminin. Ce côté dérangeait. » Aussi elle choisit le foot de manière « rationnelle », « stratégique », pour faire bouger les lignes sur ces sujets. Un vrai défi sportif ! Entretien
MG : C’est un alibi pour bouger ! Le métier de consultant, qui est un monde d’hommes, a été transformé par Internet. Je me suis dit qu’il fallait lancer un projet citoyen positif qui partage nos valeurs, et qui fonctionne sur le web et les réseaux sociaux, nouveau milieu vierge de ces règles. On était compétitifs dans ce milieu, sans besoin de trop d’investissements nouveaux. On a lancé une veille, on est tombé au moment de la Coupe du monde des femmes [2011, ndlr]. C’était le sujet numéro deux derrière Beyonce, à ce moment, sur les réseaux sociaux ! Je suis allée voir un match de foot féminin à Lens, France-Pologne. Le stade était plein, il n’y avait pas de carton, c’était fluide, c’était humain, il y avait une ambiance très sympa… On a alors décidé de monter une communauté dans ce domaine, avec le site Foot d’elles, d’abord.
P&C : Quel en était l’objectif indirect ?
MG : On voulait fonder une communauté autour du foot, qui intéresse beaucoup de gens, pour les amener ailleurs afin de changer les mentalités, dans le monde de l’entreprise par exemple. Le foot, c’est partout, dans toute la société, dans le monde entier, dans les banlieues... Mais pour cela, il fallait d’abord rentrer dans ce monde et attirer des membres. Après, on a décidé d’un événement concret, pour aller dans des mondes qui ne connaissent pas le foot féminin… y compris dans celui du foot masculin !
P&C : Finalement il va y avoir une exposition…
MG : Oui, « Mêmes rêves de foot », en septembre, sur les grilles du stade Charléty. Avec 12 équipes : Paris, Lyon, Marseille, Nice, Montpellier, Nancy, Guingamp, Toulouse… et même l’équipe de France ! Lilian Thuram et Marinette Pichon [ancienne attaquante en équipe de foot, ndlr] parrainent l’opération. Cette exposition, je l’ai voulue publique, pas dans les clubs. Il y aura une photo homme-femme pour chaque club, et un texte qui interpelle. Notre message global, c’est : il y a des hommes, des femmes, mais un seul foot. Notre modèle, à ce titre, c’est Rolland Garos : hommes et femmes jouent en même temps.
P& C : Quel accueil a reçu ce projet ?
MG : Tout le monde a dit : « c’est génial ! » Après, ça a été plus compliqué mobiliser les clubs, ils ne sont pas organisés pour ce type de communication… même pour faire poser un footballeur et une footballeuse ensemble ! Certains clubs sont débordés. Mais c’est vrai qu’on lance quelque chose de nouveau, un dialogue qui n’existe pas… Quand on a financé ce projet avec Kisskissbankbank, c’est surtout ceux qui s’intéressent aux questions liées aux rapports hommes-femmes qui se sont mobilisés, pas le milieu du foot. Ce type de travail intéresse d’abord les entreprises où il y a déjà des débats sur la parité, la diversité. Même s’il y avait moins de femmes dans les entreprises avant, aujourd’hui, c’est vrai que dans la vie de tous les jours et dans le monde de l’entreprise, on régresse en matière de salaire, d’avancement des femmes dans la hiérarchie : avec la crise, les femmes trinquent partout.
Tout cela révèle une réalité de fait, fait finalement remarquer Marianne Gazeau : « dans le monde du foot masculin, il y a énormément d’argent, des salaires énormes, dans le foot féminin, pas du tout… sur la racisme, le foot est peut-être en avance, pas sur le sexisme ! »