Engagement politique : Ces jeunes qui partent à l’asso

Amel Hebbali
Le 01-10-2014
Par Amel Hebbali / CFPJ

Squatter un immeuble en plein Paris ou encore défiler en tenue de protection radioactive : les jeunes font preuve de créativité pour défendre leurs idéaux. Petit tour d’horizon sur de nouveaux modes d’engagement politique.

 

Faire de la politique comme papa, c’est fini ? Si les jeunes adhèrent moins aux partis politiques classiques, c’est parce qu’ils préfèrent s’engager de manière moins institutionnelle. C’est le résultat du dernier rapport de l’Observatoire de la jeunesse solidaire publiée en 2014. « Les jeunes sont en train de recomposer leur rapport à la politique notamment en raison de la crise économique […]. Aux modes traditionnels et institutionnels de participation politique sont préférées des formes d’action plus individualisées et plus concrètes », interprètent Yaëlle Amsellem-Mainguy et Laurent Lardeux, chargés d’études et de recherche à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP).

 

L’humour comme vecteur de pédagogie

« Déposer un bulletin dans une urne ne suffit pas, il existe des moyens bien plus efficaces pour faire entendre ses idées », assure Rosalie, porte-parole nationale du mouvement indépendant Jeunes Ecolos. Ce collectif a pour vocation de sensibiliser l’opinion publique aux enjeux écologiques. Pour cette fervente militante, le déclic est né après la lecture du livre d’Eva Joly, gagné lors d’une tombola. « J’ai alors découvert le parcours formidable de cette magistrate. Et, je me suis dit, si elle est élue aux primaires pour les élections présidentielles de 2012, je m’engage dans son parti », raconte la bretonne de 27 ans. Chose faite. Elle intègre le parti Europe Ecologie-Les Verts (EE-LV). Manquant d’affinités avec les autres membres, en raison de son jeune âge, elle décide de rejoindre les Jeunes Ecolos, après quelques mois. « Plus dynamique et plus créatif, j’ai vite trouvé ma place chez eux ».

Pour défendre leurs idées, les Jeunes Ecolos ne manquent pas d’originalité. « Pour le départ à la retraite, nous avons organisé une course de vieux avec une ligne d’arrivée représentant l’âge légal qui recule sans arrêt », raconte-t-elle le sourire aux lèvres. « On a également défilé en tenue anti-radioactive pour sensibiliser aux dangers du nucléaire », continue la militante, écologiste jusqu’au bout des ongles, puisque même son vernis à ongle de couleur verte est bio. « Grâce à l’humour, les propos sérieux deviennent intelligibles » constate la jeune femme. Une manière simple et efficace de faire passer le message. « Les gens commencent à avoir des réflexes. Ils comprennent que manger des fraises en plein hiver est une chose bizarre », constate Rosalie. Son rapport à la politique institutionnelle a changé. « Lorsque j’avais atteint mes 18 ans pour voter, j’attendais impatiemment les prochaines élections pour le faire », se souvient-elle. « Aujourd’hui, je ne sais pas si je voterai au second tour des présidentielles en 2017 ».

 

occupations illégales

« Pouvoir voter, j’en rêve », déclare Fatima, 30 ans. Avide de liberté et d’égalité entre les sexes, cette native du Maroc est venue en France à l’âge de 17 ans pour faire des études de cinéma. « Enfant, je ne comprenais pas pourquoi mes parents m’interdisaient de grimper aux arbres alors que les garçons avaient le droit, raconte-t-elle. Adulte, je n’acceptais pas le fait que je ne puisse pas avoir la même part d’héritage qu’un garçon ». Pour Fatima, la France se présente comme l’eldorado de l’égalité.

Lorsque la jeune femme termine ses études, elle enchaîne les contrats d’intermittente du spectacle. Les premières désillusions se manifestent. « En réalité, en France, les femmes grandissent dans l’illusion de l’égalité », constate Fatima.

Indignée par cette injustice, Fatima, qui est en situation irrégulière depuis sept ans, fonde le collectif Les Effrontées, en 2012. Il s’agit d’une association féministe et LGBT (lesbienne, gay, bisexuel et transgenre) destinée à développer les droits des femmes et la parité entre les sexes. « Elles sont les premières victimes des politiques d’austérité. Par exemple, la restructuration de l’hôpital public a entraîné la fermeture de centres d’IVG et de maternité. Ce qui a mené à des drames », s’indigne-t-elle.

Fatima ne s’arrête pas là. Rencontrant des difficultés pour se loger, elle décide, avec les neuf autres membres de son association, d’occuper illégalement un hôtel dans le 14ème arrondissement de Paris. « Laissé à l’abandon pendant trois ans, on a décidé d’en faire un squat féministe ». Baptisé Safe (squat artistique féministe écolos), il accueille également des hommes sensibles à la cause féministe. Soutenues par la municipalité, elles ont pour mission de proposer des activités dans le quartier.

En partenariat avec une association pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP), Les Effrontées mettent à disposition des paniers de fruits et de légumes aux adhérents, une fois par semaine.

Proche du Front de gauche, Fatima rêve d’être à la tête d’un mouvement populaire. « Je m’intéresse à la citoyenneté, particulièrement au dispositif de la VIème République proposée par Jean-Luc Mélenchon, confie-t-elle. J’aimerais mener une campagne ».

 

Les sept commandements de l'éco-orgasme

Mener un mouvement de masse pour faire changer les choses est également l’ambition de Martin, cofondateur de Génération Cobayes. Ce collectif sensibilise aux liens entre la santé et la dégradation de l’environnement. Pour cet ostéopathe de 28 ans, tout a commencé après avoir visionné le documentaire Une vérité qui fait peur d’Al Gore, en 2006. Un film alarmiste sur le réchauffement climatique.

Quelques temps plus tard, un des camarades de Martin décède des suites d’un cancer. Plusieurs interrogations tourmentent alors son esprit. « Je me suis plongé dans la littérature scientifique et j’ai appris que les causes pouvaient être environnementales », raconte-t-il.

« Parce qu’on ne peut pas vivre en bonne santé sur une planète malade ». Martin lance, en 2009, un appel à la jeunesse à l’Assemblée nationale pour sensibiliser les pouvoirs publics sur les liens entre santé et environnement. L'action est alors soutenue par des personnalités, des scientifiques et d’autres mouvements.

Pour attirer l’attention d’un public très jeune, le collectif a rédigé les sept commandements de l’éco-orgasme. Il s’agit d’une campagne qui oriente le choix des consommateurs vers des produits sans phtalates, sans nanoparticules ou encore sans OGM. Ces substances chimiques sont présentes dans les sex toys, les produits de beauté ou encore dans la nourriture. « On est jeune. On aimerait pouvoir manger un hamburger sans OGM ou encore boire du coca sans les substances dites cancérigènes qu’il y a dedans ». Selon certaines études scientifiques, elles seraient à l’origine de cancers, de diabètes et d’autres maladies chroniques.

Ayant grandi à la campagne, Martin a toujours été sensible à la nature. Il souhaite institutionnaliser son combat contre la dégradation de l’état de santé et de l’environnement. Pour cela, il s’est présenté sans étiquette politique aux municipales d’une commune dans les Pyrénées-Atlantique. « Selon l'OMS, la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social. Je veux faire appliquer cette définition du mot santé ».

 

 

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