
Emploi : Desserrer les freins - Ressources Urbaines

Asnières, trois jeunes en casquette, jean, baskets, s’engouffrent dans une tour de verre. Cinquième droite. Ils entrent dans un open space plutôt chic, s’installent devant un ordinateur. Non, ce n’est pas le cybercafé du coin, mais une entreprise de placement des demandeurs d’emploi.
C3 consultant est une entreprise privée née il y a une quinzaine d’années en Pays de Loire. Initialement cellule de reclassement dans le cadre des plans sociaux, l’entreprise se développe rapidement du fait de l’ouverture aux entreprises privées de certains marchés initialement réservés au public. D’une cinquantaine d’employés il y a trois ans, C3 consultants compte aujourd’hui 180 salariés répartis sur toute la France et, depuis cinq ans, sur L’Ile-de-France. A Asnières, l’entreprise propose le contrat d’autonomie : un support d’accompagnement des jeunes sans emploi sortis du système, mis en place en 2008 par le gouvernement dans le cadre du plan Espoir Banlieue. Les entreprises privées entrent dans le bal : un appel d’offre est lancé. Choisi sur résultats, C3 consultant se rapproche d’une grosse structure et obtient une partie du contrat.
Ce nouvel outil permet d’octroyer 300 euros par mois à des jeunes pris en charge pendant six mois minimum. Il faut avoir entre 15 et 25 ans, un bas niveau de qualification, ne pas être suivi par le service public et habiter en CUCS (contrat urbain de cohésion sociale). « On a été dans les cités, on a fait de l’information collective dans les MJC etc. Aujourd’hui, 200 jeunes sont sur liste d’attente juste sur la boucle nord du 92 », explique Hichem Smakhou, directeur des opérations Ile-de-France- Picardie. « Les jeunes viennent comme ils sont : sans jugement, sans règles, sans les codes de l’entreprise. » Pour eux, ici, tout est possible. « On travaille sur les freins à l’emploi : t’as besoin d’un costard ou d’un scooter pour aller bosser : aucun souci. J’ai même eu des fois à payer des loyers ou des factures EDF», ajoute Hichem Smakhou. «On travaille sur l’emploi caché en démarchant des entreprises et en anticipant leurs besoins. Par exemple, avant l’été, on sait que l’aéroport Charles de Gaulle ou les entreprises qui y travaillent, recrutent plus. Pour les jeunes, on propose des postes diversifiés, pas seulement dans les secteurs dits recruteurs comme la restauration ou le bâtiment. C’est pour eux qu’on bosse. On ne gagne pas plus de 2 000 euros par jeune placé en comptant les investissements faits sur eux. » L’idée c’est de faire du coaching rapproché. « Pour motiver nos salariés, on les paye bien et ils ont une prime par jeune placé», admet sans tabou le directeur des opérations.
Jeunes et consultants : même combat ! « C’est le bordel organisé » dit joyeusement Samira, l’une des consultantes en charge d’une soixantaine de jeunes. Assise dans l’open space, rien ne la différencie des jeunes qu’elle suit, si ce n’est la pile de dossiers à côté d’elle. Sur le mur, un tableau récapitule les offres de grandes entreprises. « J’aime mon travail et je me donne à 100% », dit-elle. « Les arrivants veulent souvent faire de l’argent rapidement, ou à cause des soucis de justice, veulent trouver du travail vite. Je leur explique qu’on n’est pas une boite d’Intérim. Je les rencontre en privé pour mettre sur pied un projet. Quand ils ont des idées, je les envoie en stage pour les confronter à la réalité. Ça les aide à s’orienter. Après, on les met dans les meilleurs conditions pour trouver du taf », explique la jeune coache. « Même lorsqu’on ne les suit plus officiellement, on continue de les aider ! C’est très humain comme rapport. »
Huit cent cinquante deux jeunes ont bénéficié du contrat d’autonomie par le biais de C3 consultant sur la boucle nord du 92, qui comptabilise plus de 65 % de sorties positives (CDI, CDD de plus de 6 mois, formation diplômante ou création d’entreprise). Au niveau national, en avril 2010, 26 486 contrats étaient déjà signés sur les 45 000 prévus d’ici fin 2011, pour un taux de sortie positive de 33,8 %. Un traitement spécifique aux jeunes de certains quartiers dont l’arrêt brutal prévu en juillet 2011 produit déjà des inquiétudes. « On essaye de convaincre de continuer le procédé même s’il a un nom différent, on s’en fout. Ce qui nous intéresse c’est que pour une fois, il y a un dispositif qui va chercher les jeunes là où ils sont. Si ça s’arrête brutalement, ça aura des conséquences, j’espère que les politiques l’ont mesuré », confie Hichem Smakhou.
Nadia Sweeny/RU