Du Palais Brongniart aux banlieues bitumées : l’Economie Sociale et Solidaire a deux visages

Le 13-07-2011
Par xadmin

Les 17, 18 et 19 juin derniers, dans une ambiance festive et studieuse, se réunissaient les acteurs de l’économie sociale et solidaire. Démonstration de force pour signifier aux décideurs et aux citoyens qu’une alternative économique est possible. Encore une fois, la banlieue a raté le rendez-vous… et réciproquement.

Il est des lieux qui catalysent tout ; les crises de l’emploi, du logement, de l’éducation, des transports, de la santé, mais aussi les énergies ; contestataires, juvéniles, culturelles, solidaires… Comment expliquer qu’au palais Brongniart on ait quasiment omit ces territoires où l’ESS serait un levier des plus pertinents ? Ni la tradition ouvrière, ni les alternatives issues des luttes n’auront convaincu les organisateurs de mobiliser explicitement les forces vives des quartiers populaires à l’heure où au-delà des périphériques, la dérégulation menace plus que jamais.

Et pourtant associations, régies de quartier, structures d’aide aux personnes, jardins ouvriers et chantiers d’insertion, se sont banalisés en banlieue et ne suscitent d’émerveillement que chez les quelques bobos qui les découvrent. Parce que ces structures habitent la banlieue par effraction et qu’elles ne sont pas toujours intégrées aux macro-dispositifs comme les CUCS, les Zones Franches Urbaines ou les PNRU, elles témoignent des combats portés par les habitants pour créer des alternatives économiques et citoyennes contre le manque de perspectives.

Aujourd’hui elles témoignent surtout d’une urgence qu’il serait certainement maladroit d’exhiber au Palais Brongniart et dans tous ces raouts qui chantent les bienfaits de l’ESS dans un œcuménisme mielleux et aseptisé. Ce serait effectivement dissonant de donner la parole à un président d’association dont la main tremble à chaque fois qu’il renouvelle le contrat aidé d’un salarié lui permettant à peine d’assurer sa survie. Il serait aussi malséant d’écouter un responsable de régie de quartier dont la structure, abandonnée de ses financeurs locaux, s’est résignée à mobiliser des fonds structuraux européens comme on boit le calice jusqu’à la lie. Cela serait également discordant de faire parler des acteurs associatifs qui remplacent des salariés, faute de ressources et avec la bénédiction de Martin Hirsch, par de gentils volontaires du service civique qui ne retiendront de leur immersion que la ligne qu’ils lui consacrent sur leur CV. Enfin, ce serait une hérésie d’écouter ces anciens responsables associatifs qui licenciés, essaient désormais de revendre leur expertise par les voies improbables de l’auto-entrepreneur.

Autant de situations alertant sur la casse qui s’accélère et qui accule tous les acteurs qui maintiennent à flot des initiatives en essayant de ne pas renier les valeurs, les luttes ou les avancées qu’elles charrient. Combat épique à l’heure du retrait de l’Etat, de la mise en concurrence des associations et de l’oubli, peut-être intentionnel, par les promoteurs du Palais Brongniart de cette situation qui s’érige comme une mauvaise conscience. Au moment où l’on vante le financement solidaire, la gouvernance, les dispositifs d’appui aux initiatives d’utilité sociale… l’ESS made in banlieue tombe de Charybde en Scylla. Contradiction révélatrice du fossé qui se creuse et de l’incapacité des acteurs de l’ESS à délaisser les consensus pusillanimes avec l’État ou les grandes entreprises, pour enfin adopter une posture de combat.

Farid Mebarki, président de Presse & Cité.

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