« C'est l'électorat le plus populaire qui a lâché le parti communiste ! » : Philippe Dallier

Le 12-06-2012
Par xadmin

Analyser des tendances globales, dégager un profil-type de tel électorat, Philippe Dallier ne sait et ne veut pas faire. Le sénateur-maire UMP des Pavillons-sous-Bois a les deux pieds ancrés dans cet îlot fortuné du 93, coincé entre Bondy et Livry-Gargan, pas très loin du Raincy. Il est maire de cette commune de 20 000 habitants depuis 17 ans, réélu pour ses deux derniers mandats à plus de 70% dès le premier tour.

 

Q : Les banlieues sont-elles de droite?

Si vous prenez un bureau de vote aux Bosquets, à Montfermeil, au 2e tour, Nicolas Sarkozy a du faire 12%. Et vous voulez plaider ici que les banlieues sont de droite ! Ca ne veut rien dire. Si vous prenez la ville où nous sommes, Les Pavillons-sous-Bois, ça a fini à 49,5% contre 50,5% (pour François Hollande ndlr) mais sociologiquement, on n'est pas comparable aux quartiers les plus difficiles. Derrière le terme « banlieue », il y a des réalités extrêmement différentes : le 93 est composé de communes très hétérogènes. On a les quartiers les plus difficiles en France, avec des problèmes qu'on ne rencontre pas ailleurs.

Q : Qui sont les habitants du 93 qui votent à droite ?

La droite a évidemment un électorat plus populaire dans le 93 qu'à Paris ou dans les Hauts-de-Seine. Dans les classes moyennes, il y a plus de gens qui votent à droite que de gens qui votent à gauche. Mais reste-t-il des classes moyennes dans ces quartiers-là ? Jusque dans les années 70, il y avait une véritable mixité sociale, qui, au fil du temps, a disparu. Il y a un phénomène de « boboïsation » des villes qui touchent le périphérique, avec un prix au mètre carré qui flambe. Quand vous vous éloignez un peu, vous avez beaucoup de classes moyennes qui pensent à partir. Notamment les retraités. C'est un problème.

Q : Comment expliquer cette mésentente entre les habitants des quartiers et la droite ?

Je pense que la raideur de Raymond Barre a certainement détourné de Giscard d'Estaing une partie du vote de droite dans ces quartiers populaires. A l'époque, mon père avait 55 ans, il était au chômage. Avoir entendu Raymond Barre dire à la télévision que les chômeurs, au lieu de toucher des indemnités, feraient mieux de créer son entreprise, ça l'avait assez choqué. Les gens sont sensibles à la difficulté des temps et à ce qu'ils vivent localement. Ce qui explique le vote à l'extrême. Les gens vivent des choses qu'ils considèrent comme insupportables. Ils n'en peuvent plus et veulent rejeter le système.

Q : Le vote FN a-t-il aggravé le cas de la droite dans les quartiers ?

Le vote FN a d'abord fait du mal au Parti communiste en Seine-Saint-Denis avant de faire du mal à la droite ! C'est d'abord l'électorat le plus populaire dans ce département qui a lâché le parti communiste, qui n'était plus vu comme l'exutoire de tous les problèmes. A l'époque, c'est le parti communiste qui a trinqué ! Au delà de ça, sur certaines élections, on a effectivement souffert des triangulaires. Pas tellement dans les années 80, plutôt dans les années 90. En 1995, lorsque j'ai été élu maire pour la première fois, j'ai gagné en triangulaire au 2e tour : le FN est resté à 10%, j'ai dû faire 45% et le PS à peu près 44%. Cette année, aux Pavillons-sous-Bois, le Front National a fait 16% pour une moyenne nationale de 18%. Dans les années 80, les candidats FN faisaient jusqu'à 25%. Il y a un reflux qui s'explique notamment par le fait que la part de population d'origine étrangère est devenue beaucoup plus importante. Et les gens votent maintenant ! Donc numériquement et proportionnellement, le vote FN recule.


Q : Et pour lutter contre ce vote FN, c'est l'abstention qu'il faut combattre ?

Quand on nous décrit les Français comme étant saturés et dégoûtés de la politique... 80% d'entre eux se sont déplacés pour l'élection présidentielle ! C'est quand même un beau résultat… Ce qui est plus inquiétant, c'est le reflux aux élections municipales. Ce scrutin est celui de la proximité. Tous les citoyens connaissent le nom de leur maire. Peut-être que les gens ont moins le sentiment que les élus peuvent « changer la vie », comme diraient certains. Pour lutter contre l'abstention, je n'ai pas de recette miracle. Je fais 10 réunions de quartier par an dans ma ville. Je communique le plus possible. J'essaie de recevoir tous les administrés qui me le demandent, ce qui n'est pas toujours très simple. Si les gens ne veulent pas aller voter, je ne peux pas aller les chercher chez eux. Mais que ceux qui ne se déplacent pas ne viennent pas râler ensuite !


Q : Vous avez le sentiment de vous battre, à l'échelle de votre mairie mais aussi au cœur d'un département qui coule ?

Ce département est en train de faire faillite d'un point de vue institutionnel. Le conseil général de Seine-Saint-Denis est gavé d'emprunts toxiques. Il est incapable de financer ses investissements. Il n'y a plus aucune subvention ni pour le sport, ni pour la culture, ni pour la petite enfance. Je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce que ça veut dire ? On est l'avant-dernier département de France pour les équipements sportifs. Le département nous a expliqué que la situation était telle que pendant trois ans, au moins, il n'y aura plus un euro pour les équipements sportifs alors que les impôts locaux sont généralement bien plus élevés ici qu'ailleurs. Donc on est au bout du bout du bout d'un système. Les choses ne vont donc pas en s'améliorant.

Q : Pour autant, vous portez un espoir sur ce que va devenir le Grand Paris ?

Cela permettra de donner un sentiment d'appartenance positive à un ensemble plus grand. J'en suis intimement persuadé. Ce n'est pas le but premier mais cela pourrait être une conséquence heureuse de tout cela. C'est bien sympathique le 93, le neuf-trois, le 9 cube ! Certains de ces jeunes, qui ne se sentent pas raccrochés à grand chose, invoquent ce totem du 93, ou pire d'ailleurs celui de leur quartier, Ce sont des sentiments d'appartenance négatifs, qui rejettent un peu les institutions. Pour moi, le 93 ne représente rien. Cela ne correspond à aucun territoire cohérent. Aujourd'hui, l'image que nous trimbalons est excessivement négative, ce qui ne veut pas dire qu'il ne se passe rien d'intéressant dans ce département. Loin de là ! Mais partez en vacances avec votre voiture immatriculé dans le 93 et vous aurez toujours les mêmes réactions : « mon pauvre monsieur, vous habitez en Seine-Saint-Denis! ». Il y en a ras-le-bol. Paris est un très bel objet urbain, comme je l'avais dit au Président de la République (Nicolas Sarkozy) ; il est temps de le partager !

Propos recueillis par Chloé Juhel

 

Participez à la réunion de rédaction ! Abonnez-vous pour recevoir nos éditions, participer aux choix des prochains dossiers, commenter, partager,...