
Avoir 20 ans dans les banlieues d'Europe

L'Europe ? Ca va pas fort, madame. Les banlieues, notamment françaises ? Au bord du K.O social, monsieur. Contexte pas franchement idyllique pour Banlieues d'Europe. Mais cela ne devait pas empêcher l'association de fêter avec un certain enthousiasme ses 20 printemps sous les auspices pourtant hivernaux de la Communauté d'agglomération lyonnaise, pendant plusieurs jours, fin novembre 2010. Cet esprit résolument positif viendrait-il de cette relative jeunesse ? De l'habitude de lorgner par-delà les frontières ?
C'est en tous cas la raison sociale du réseau constitué autour du vénérable et sémillant Jean Hurstel, grâce à laquelle on se rend compte que la France est peut-être encore une fois à l'avant-garde de problématiques qui agiteront bientôt l'ensemble du continent de manière sans doute encore moins heureuse que dans l'hexagone : gentrification, ghettoïsation, problèmes d'intégration, démocratie participative cahotante... Alors : doit-on définitivement déprimer dès ce début d'année 2011 ? Surtout pas ! Car le réseau de Banlieues d'Europe, cette sorte d'Erasmus de l'éducation populaire / culturelle, pourrait constituer l'une des premières pierres d'un rempart à la xénophobie contagieuse qui se déploie à nouveau chez les petits-blancs de toutes les nations endettées, rentières et vieillissantes d'Europe, de Tanger à Varsovie. Explications avec la N°2 de l'association, sa directrice, Sarah Levin, ravie d'avoir pu réunir dans ce contexte plusieurs centaines de jeunes européens motivés, parmi lesquels beaucoup d'étudiants et de « créatifs culturels » (mais combien de banlieusards au sens français du terme ?)...
RU : Comment parvenez-vous à préserver votre réseau de ce qui guette beaucoup de projets européens : le hors-sol ?
SL : Notre réseau est riche de plus de 5000 contacts. Ce qui nous rassemble, c'est de travailler sur la « banlieue » au sens de ce qui est mis au ban d'une société. C'est vrai que les réalités sont différentes selon les pays : au niveau européen, contrairement à la France, les quartiers populaires sont plutôt au centre des villes. Mais notre réseau a pour fil rouge les cultures qui ne sont pas reconnues par le milieu culturel. Il est constitué d'acteurs de terrain, et de ceux qui réfléchissent aussi bien que de ceux qui font les politiques publiques.
RU : Au moment où l'austérité pointe en Europe, où la gentrification des banlieues s'intensifie et où des ghettos se constituent, que peut la culture ?
SL : Les gens qui viennent ici sont heureux de participer à des réseaux de solidarité professionnelle. De sortir la tête du guidon. Il y a un besoin d'ouverture. La culture permet cela : lutter contre la ghettoïsation. Notre réseau s'est créé autour de projets utilisant l'art dans la lutte contre l'exclusion. Il s'agissait de regrouper ceux qui oeuvrent à la participation des habitants dans la culture, en insistant sur sa fonction sociale : faire travailler ensemble par exemple catholiques et protestants à Belfast. Mais il est vrai que les financements baissent, que les indicateurs de réussite sont de plus en plus présents, comme le court-termisme et le pragmatisme. Les problèmes sociaux comme le logement peuvent paraître prioritaires, mais notre objectif est justement de démocratiser l'accès aux financements qui restent aux mains d'une élite.
Propos recueillis par Erwan Ruty / Ressources Urbaines