
Aux ondes, citoyens !
Ici, dans ce quartier, la radio HDR – pour Hauts de Rouen – est une institution. Elle n’en demeure pas moins un petit miracle économique et citoyen.
Tout est né, pourtant, d’un drame, toujours ancré dans la mémoire collective. En 1994, un jeune est abattu par un policier. Deux semaines de troubles, le quartier bouclé. La fracture entre habitants, élus et institutions est patente. Moïse Gomis, objecteur de conscience et travailleur social, lance alors l’idée d’une radio locale, qui finira par décrocher une fréquence définitive en 1998. « Tout a commencé avec deux micros, du matériel acheté aux enchères et en apprenant sur le tas », sourit Antoine Philippe, aujourd’hui directeur des programmes. Mais avec une ligne éditoriale précise : promouvoir le « mix des cultures », la citoyenneté, et « donner la parole à ceux qui ne l’ont pas ». Les faits divers sont interdits d’antenne, la laïcité érigée en principe. Les programmes voguent des conseils pratiques aux flashes d’info de RFI, du musical aux débats politiques. « Certains sont traduits en langues étrangères pour aider à l’insertion. Entendre sa langue maternelle est une reconnaissance », pointe Chérif Kané, l’un des sept salariés de la station.
Pour faire entendre ses voix, créer son pôle multimédia, Radio HDR dut trouver des fonds. La mairie lui ouvre les locaux tarabiscotés d’une ancienne gendarmerie. L’Education Nationale la subventionne pour enseigner l’art de l’interview aux enfants, mais aussi « les ouvrir sur l’extérieur », leur permettre de sortir du quartier. Grâce au Fonds Social Européen, la station forme même désormais dix personnes auparavant au RMI. Aujourd’hui, la radio compte quelque 130 bénévoles qui s’en approprient les ondes. « Nous sommes à la fois dans le social, le culturel et la radio, décrypte Antoine. Les politiques ne nous ont jamais tapé sur les doigts. Ils savent que nous sommes une plaque tournante qui établit des ponts entre les habitants et eux. » Et avec les quelque 3000 auditeurs qui se branchent chaque jour sur le 99.1 FM.
Cyril Pocréaux / Ressources Urbaines