VU D’ICI - R.I.P

Le Blanc-Mesnil (93)

L’expérience s'est achevée en février 2011. Le premier numéro de « Vu d’ici » remonte au mois de novembre 2006. Le journal, avec 14 numéros en 4 ans, tiré à 5 000 exemplaires, a pratiquement tenu la périodicité trimestrielle qu’il s’était fixé, et ce, malgré diverses difficultés financières.

La rédaction aura vu passer, au total, plus de 150 contributeurs. Le magazine était distribué en mairie, dans les forums culturels, dans les cafés et les autres centres sociaux. Retour en arrière : tout a commencé en 2004 avec un travail sur l’image, notamment celle des femmes rassemblées dans le collectif « Quelques unes d’entre nous ». C'est quelques mois plus tard, lors de la projection du film « Ceci est notre quartier à 93° » lors d'un débat public sur le rôle des médias, qu’émerge l’idée du journal. Naît alors « Vu d'ici ». La dynamique encourage le quartier à produire ses propres images et analyses. « On a accompagné les habitants sur une réaction aux images. Ils ont le sentiment que l’on cherche toujours les mêmes types de propos qui ne correspondent pas à ce qu’ils avaient à dire », nous expliquait, en 2009, Zouina Meddour, coordinatrice du projet et ancienne responsable de la Maison de quartier des Tilleuls, qui portait le projet. « Le comité de rédaction, c’est très important. Il y a parfois des discussions vives mais tout le monde est toujours content du débat qui a eu lieu. C’est une vraie force, permet à chacun de progresser, de se mettre à la place de l’autre, pour comprendre son raisonnement. Il se passe quelque chose dans l’acceptation de l’autre même si il ne pense pas comme moi. Il faut une capacité à animer ces débats là, gérer les conflits (…) C’est rare, on a une pensée qui prend le temps de s’exprimer, de s’élaborer. C’est un vrai avantage, c’est… du luxe, j’ai envie de dire… »

Mais réaliser un média participatif d’expression citoyenne a un coût, malgré le caractère gratuit des contributions. Au départ, « Vu d’ici » a reçu un soutien de la Fondation Abbé Pierre, du Conseil Régional d’Ile de France et de l’Etat avec un budget de 30 000 euros. Quelques années plus tard, le compte n'y est plus. Manque de sous donc mais pas seulement. Il y a aussi une liberté d’expression qui ne plaît pas à tous. Un article sera jugé trop « politique » par certains bailleurs. L’Etat va retirer ses financements suite « à un papier de Mustapha sur l’affaire des badges mettant en cause le préfet », relate Zouina Meddour. Et le successeur de Zouina, à la tête du centre social, n’a pas pu ou su relever le défi de poursuivre l’aventure. Aujourd'hui, les équipes de « Vu d'ici » se sont concentrées sur d'autres projets, plus culturels. Mais toujours attachés à la base : la Maison des Tilleuls, au Blanc-Mesnil. Un témoignage de plus du choc parfois salutaire qu’ont pu produire les émeutes de 2005 sur les habitants des quartiers, et de leur capacité à se mobiliser y compris bénévolement pour prendre la parole quand on met en place les conditions permettant d’obtenir un produit fini professionnel. Mais aussi un témoignage de plus de la dépendance et fragilité des initiatives issues des quartiers vis-à-vis de leurs financeurs publics.

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