DAWA - R.I.P

Bobigny (93)

Le support multimédia Dawa est né en juin 2005 (soit plusieurs mois avant les émeutes liées à la mort de Zied et Bouna) à l’initiative de Remy Douat, rédacteur en chef du magazine Regards qui traite de nombreux sujets sur les quartiers populaires. Il se rend compte que le profil des journalistes au sein de la rédaction est loin de refléter la diversité de la population dont ils parlent. Avec Dawa, il  veut palier à l’homogénéité sociale du recrutement des journalistes, à travers différentes formations parrainées par des professionnels du métier. « Si les personnes qui portent la parole ne représentent pas un minimum de la population, c’est n’importe quoi. Il n’y a aucune chance que l’on soit fidèle à ce que l’on essaye de décrire. On voulait que les gens des quartiers puissent avoir envie de devenir journaliste. Plutôt des jeunes qui peuvent se dire : « On peut y aller ». Notre but n’est pas de créer un journal mais une formation. Dawa est le journal que l’on fait exister comme support pédagogique sauf qu’il est diffusé pour montrer ce que l’on fait. On n’est pas en train de faire une activité babyfoot au SMJ. On fait un truc qui est à vocation professionnelle et on n’a pas honte de le dire. Ce que l’on fait là, c’est lisible, montrable, ce n’est pas vendable parce que c’est un gratuit », explique-il. En 2006, il s’associe à l’hebdo municipal “Bonjour Bobigny” pour lancer  un atelier média hebdomadaire, ouvert à tous les Balbyniens à l’UIT Paris 13. Le but : former les balbyniens à l’écriture journalistique et leur permettre d’accéder à des métiers trop longtemps réservés aux “nantis”.

Chaque session dure 1 an et demi et s’intéresse à un des aspects du métier

La première session 2006-2007, animée par Rémi Douat et Chakri Belaid de Regards et par Laurent Catherine du EMI-CFD, autour des techniques journalistiques, donnera lieu à trois publications diffusées en supplément de “Bonjour Bobigny”, le journal municipal.
La seconde session en 2008-2009, quant à elle animée par Sabrina Kassa, était  consacrée  plus particulièrement à l’écriture  web. Les écrits seront publiés sur le blog de « Dawa Bobigny ». On peut noter que plusieurs des participantes, Florencia, Hanan,  ou Céline ont depuis intégré des rédactions. Céline a été embauchée en janvier 2009 à Tropiques FM, Florencia a suivi une formation en alternance au CFPJ avec France Ô et Hanan, après un stage à afrik.com et saphirnews.com,  a été embauché par ce dernier.
La troisième  session, 2010-2011, a permis aux stagiaires de se « frotter »  aux différentes techniques journalistiques et plus particulièrement l’écriture  et  la vidéo. De nombreux reportages sont d’ailleurs encore en ligne sur le blog « les yeux de Dawa ».


Une forte emprise locale


Tous les intervenants sont des professionnels qui travaillaient dans des médias reconnus : « J’ai contacté des journaux amis du Monde Diplomatique, d’Alternatives économiques, de Politis, Témoignage chrétien, Acrimed… On va former 15 jeunes par an au journalisme en leur offrant le savoir faire de professionnels. On écrit pour des lecteurs (un territoire, un positionnement). Donc un positionnement local et l’actualité est celle des jeunes. Ca prend tout son sens à Bobigny. Enjeux locaux mais qui sont également nationaux », expliquait  Rémy Douat au démarrage de l’aventure en 2005. Il pourra compter sur le soutien de l’équipe municipale. C’est grâce aux subventions et plus particulièrement celle de la mairie de Bobigny que le média peut lancer et continuer ses ateliers.  En effet, chaque année, l’association reçoit une subvention de 28 000 euros de la ville. « Mais cette année, c’est plus dur, il y a une vraie incertitude. On nous prévient depuis des mois que ce ne sera pas aussi facile que les années précédentes », explique Sabrina Kassa qui a repris le flambeau dès 2006. La jeune femme multiplie donc les rendez-vous pour trouver d’autres ressources financières. « On a pu boucler la dernière session grâce à un reliquat de la DRAC. Mais là, nous sommes au point mort. ». Car si l’atelier est hébergé gracieusement par l’IUT Paris 13, il faut payer les intervenants, la location de matériel, les déplacements etc. Les stagiaires sont accueillis à titre gracieux mais ils ont en revanche un engagement moral à suivre  les cours jusqu’à la fin car on ne peut pas accepter tout le monde et ce serait injuste pour ceux restés sur le carreau.»
Quelques pistes sont évoquées pour tenter de sauver le média.  « La Mairie aimerait nous rattacher à une opération « Réussir dans la ville ». Il faut réfléchir à la pertinence de cette proposition. De toute façon, les élections présidentielles, législatives ont tout figé. C’est le genre de projet que l’on peut avoir du mal à justifier quand il faut couper dans le budget en période de crise. Même si  conseil municipal a toujours voté un comme un seul homme notre subvention ».
Il serait en effet dommage d’enterrer ce média ancré localement et qui donne chaque année naissance à de nombreuses vocations. « Les trois quarts des stagiaires en font quelque chose de professionnel », conclut Sabrina Kassa.

 

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